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Guillaume Almeras

Unicredit et Société Générale : La fin d’un monde ?

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Depuis quelques mois, les rumeurs sont reparties de plus belle concernant un éventuel rapprochement entre Unicredit, première banque italienne, et la Société Générale.

Unicredit et Société Générale. L’idée n’est pas vraiment nouvelle mais, évidemment, le fait qu’Unicredit soit à présent dirigée par Jean-Pierre Mustier, ancien de la Société Générale et ancien potentiel successeur de Daniel Bouton à sa tête, donne assez de piquant à l’affaire. Surtout si l’on ajoute que, selon ce qu’a rapporté la presse, Daniel Bouton lui-même aurait été chargé par une banque d’affaires d’une mission de bons offices entre les deux établissements. Un excellent scénario donc. Pourtant, la perspective d’un tel rapprochement ne souligne-t-elle pas également comme la fin d’un monde ?

Ce rapprochement, entre deux établissements ayant chacun une capitalisation boursière autour de 30 milliards €, créerait un poids lourd européen – le troisième groupe bancaire de la zone Euro. Est-ce là vraiment un argument décisif néanmoins ? Il y a dix ans, une telle question n’aurait guère soulevé de doutes. Mais, aujourd’hui, la taille n’est-elle pas devenue un problème au moins autant, sinon plus, qu’un avantage pour les méga-banques ? Ces dix dernières années, le premier groupe bancaire français a augmenté le volume de ses crédits à la clientèle de 63%. Pourtant, en 2017, ses profits étaient inférieurs de 1% par rapport à ceux de 2007.

Le fait est surtout qu’une stratégie de taille est sans doute avantageuse dès lors qu’elle se fonde sur un modèle économique porteur. Peut-elle suffire cependant à le créer ? A le restaurer ?

Unicredit va mal. En 2011, 2013 et 2016, ses pertes ont été astronomiques. Au vu des comptes 2017 – largement bénéficiaires – la presse française a parlé du redressement « spectaculaire » opéré par Jean-Pierre Mustier. Pourtant, le produit net bancaire ne s’est guère amélioré. Il a même baissé l’année dernière sur les principaux marchés italien et autrichien. Et les taux de créances en souffrance demeurant élevés, cela laisse craindre qu’il ne faille tôt ou tard et encore une fois – comme cela a été le cas en 2017 – recapitaliser à prix bradés, céder des actifs, liquider des créances et supprimer des emplois. Pour Unicredit, ce ne serait que la quatrième fois depuis dix ans.

Le développement de nouvelles offres

Depuis dix ans, Unicredit a connu cinq plans de restructuration. La rançon d’une croissance sans doute trop rapide lors des années 2000 pour un établissement qui, comme les autres banques italiennes, a ensuite été durement affecté par la crise, accumulant les non performing loans. Mais l’impression est surtout que, depuis dix ans, le ressort du développement s’est brisé. Dans ces conditions et dans un contexte peu favorable (retournement de croissance, taux bas, nouveaux concurrents, …), la perspective d’un méga-rapprochement semble surtout reposer sur un effet de taille. Or, si c’est là certainement un atout – quoique de plus en plus discutable – est-ce en soi une solution ?

Il est frappant de constater qu’au même moment en Asie, la banque singapourienne OCBC – dont la capitalisation a pu dépasser celle de la Société Générale, quoique son bilan soit cinq fois moins important – s’est rapprochée de l’opérateur téléphonique Starhub. Ensemble, ils ont créé une structure de co-investissement pour développer de nouvelles offres, notamment dans les domaines de l’IA et du Big Data, tout en dégageant des synergies, particulièrement en matière d’agences et de points de vente. Or, pour OCBC, Starhub n’est qu’un premier partenaire. Convaincue qu’à l’ère digitale, ses offres seront de plus en plus transversales, la banque veut également co-investir avec des acteurs des transports, de la santé, de la grande distribution, de la smart city

Bien entendu, le risque que de tels rapprochements déçoivent est élevé. Mais, par contraste avec ce qu’il se passe en Europe, la démarche est saisissante. C’est comme si Orange, plutôt que de créer « sa » banque – essentiellement pour jouer sur l’effet de taille de sa base clients – avait considéré qu’elle avait plus à gagner en se rapprochant d’un ou de quelques acteurs financiers. Comme si Orange, en jouant de sa taille, avait fait basculer les banques dans un monde nouveau.

Guillaume ALMERAS