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3,7 milliards d'euros d'amende contre UBS

UBS

UBS - Fabrice COFFRINI - AFP

La première banque suisse est condamnée à la plus forte amende jamais infligée en France pour fraude fiscale.

Le géant bancaire suisse UBS, jugé pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale », a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 3,7 milliards d'euros, la plus lourde peine jamais infligée par la justice française dans une affaire d'évasion fiscale. A quoi il faut ajouter 800 millions € de dommages et intérêts à l’état français en tant que partie civile.

La filiale française du groupe suisse, UBS France, a été condamnée, pour complicité des mêmes faits, à une amende de 15 millions d'euros. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet national financier, condamnant une faute d'une « exceptionnelle gravité ».

Démarchage illégal

UBS est accusée d'avoir illégalement démarché des clients en France, afin qu'ils ouvrent un compte non déclaré en Suisse, la banque a toujours nié les faits, le parquet lui s'est toujours montré intransigeant. La banque avait notamment tenté dans un premier temps de négocier une transaction pénale, elle pensait pouvoir échapper au procès moyennant une amende de 150 millions d'euros alors que le parquet lui réclamait 1 milliard, la négociation avait échoué. Pour l'un des avocats de la banque, à l’époque, la justice avait raté une belle occasion de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat. Le tribunal en a décidé autrement

Toutefois UBS fait appel de cette condamnation, et il va s'écouler sans doute quelques années avant le versement effectif de l'amende, si la condamnation est confirmée

30 tomes de procédure 

C'est l'épilogue d'une longue enquête lancée en 2011. C’est un véritable système de « braconnage » qui est condamné. Première banque suisse, UBS est alors un poids lourd mondial de la gestion de fortune, et le climat post 2008 est celui d’une lutte mondiale contre la fraude fiscale. Le système est très clairement détaillé dans une note anonyme qui parvient au Parquet national financier : des commerciaux d’UBS dépêchés spécialement de Suisse pour aller au contact de la riche clientèle de la filiale française à l’occasion de soirées, rencontres sportives, parties de chasse, spécialement organisées pour l’occasion. Dans la foulée sont mis en place une série de services, procédés, ou dispositifs, sociétés off-shore, trusts, fondations, pour dissimuler des masses considérables de capitaux (10,6 milliards€ au 1er juin 2006 selon l’acte d’accusation) qui vont pouvoir échapper au fisc français.

En 2012 la justice commence à mettre au jour une double comptabilité au sein de la branche française de la banque pour masquer les mouvements de capitaux entre la France et la Suisse. Les juges avancent lentement, mais vont accumuler trente tonnes de procédure, à mesure que se met en place, à l’échelle internationale, l’échange d’informations entre les systèmes bancaires et judiciaires des états occidentaux. A mesure aussi que, pour échapper aux « listes noires », des paradis fiscaux deviennent de plus en plus coopératifs. Car parallèlement des enquêtes comparables se développent aux Etats-Unis, quand l’ex banquier américain d’UBS Bradley Birkenfeld accepte de collaborer avec la justice américaine « UBS était une banque démoniaque », dit-il, « et moi j’étais le banquier le Lucifer » (entendu comme témoin en février 2015 par la justice française, il n’est pas prévu qu’il témoigne). Dans cette affaire française des « lanceurs d’alerte » se sont aussi manifestés, notamment l’ancien responsable de l’audit interne de la banque.

Procès en sorcellerie

"Banquier de Lucifer"? Des termes que, paradoxalement, la banque reprend dans sa défense. UBS dénonce en effet depuis le début un véritable « procès en sorcellerie» et affirme qu’elle n’est qu’un bouc émissaire dans cette affaire. Ce que la justice française présente, par exemple, comme une double comptabilité, n’est en fait qu’un système pour évaluer les performances de banquiers. Elle affirme qu’elle a toujours agi dans le strict respect de la loi Suisse, qu’elle n’avait aucun moyen de savoir si les clients français étaient en règle avec les autorités fiscales françaises. Et c’est bien pour cela d’ailleurs qu’elle est condamnée, alors que la filiale suisse d’HSBC, pour des faits de moindre ampleur, a accepté la procédure de « plaider coupable», réglant 300 millions d’euros au fisc français en novembre 2017.

Pour UBS, une reconnaissance de culpabilité aurait pu avoir des conséquences très importantes à travers le monde et particulièrement aux Etats-Unis. Surtout, les montants en jeux rendaient difficile un compromis. Les milieux bancaires internationaux vont suivre de très près la suite de la procédure: « une sanction sévère à l’encontre d’UBS conforterait les dirigeants les plus prudents du secteur bancaire, ceux qui défendent l’approche la plus vertueuse possible vis-à-vis du blanchiment et de la fraude fiscale » déclare à l’agence Reuters l’analyste de l’agence de notation Fitch, François Xavier Deucher. Cette amende hors norme est bien celle d’une page qui se tourne, entre les autorités fiscales internationales et les plus grandes banques du monde.