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Finances publiques

À quoi pourrait ressembler le revenu universel en France?

L'idée d'un revenu universel est notamment défendue par Manuel Valls

L'idée d'un revenu universel est notamment défendue par Manuel Valls - Montage BFMBusiness. Photos: Graphic Book Pexels CC et Usin Wikimedia Commons - CC

Défendue par des politiques de droite comme de gauche, l’idée d’un revenu de base à la française émerge à l'occasion de la présidentielle. Manuel Valls plaide pour une expérimentation. Voici ce qui pourrait nous attendre.

Ce jeudi 27 octobre Manuel Valls est en Gironde pour parler du "revenu universel" que ce département entend expérimenter. Le Premier ministre a repris à son compte cette idée qui pourrait faire évoluer en profondeur le modèle social français. Mais il reste, pour le moment, flou sur le modèle de revenu universel qu'il entend défendre. Le sujet figurera en tout cas certainement parmi ceux qui agiteront la campagne présidentielle.

Qu’est-ce que le revenu universel?

Également appelé allocation universelle ou revenu de base, le revenu universel doit permettre à tout habitant d'un pays de percevoir une somme lui permettant de vivre, ou, au minimum de survivre. La plupart des défenseurs de cette nouvelle forme de protection sociale estiment que ce revenu doit être distribué à tous et, bien entendu, cumulable avec un salaire ou toute autre forme de revenu. Manuel Valls se contente d'indiquer que le revenu de base pourrait "remplacer la dizaine de minima sociaux existants". Le concept est différent du salaire à vie qui, lui, présuppose la disparition du marché du travail dans sa forme actuelle.

Qui le défend?

Si le Premier ministre s'en fait, depuis peu, l'ardent défenseur, l'idée du revenu universel est promue de longue date par d'autres personnalités politiques. Une cohorte plutôt éclectique. Les écologistes se sont depuis longtemps prononcés en sa faveur, de même que l’ancien ministre socialiste Benoît Hamon. Plus récemment, Arnaud Montebourg a repris l’idée à son compte, parlant lui d’un "revenu d’existence".

Mais l’idée fait également son chemin à droite. Nathalie Kosciusko-Morizet a récemment proposé sa création, rejoignant ainsi l’ancien secrétaire d’État Frédéric Lefebvre, jusqu'ici isolé au sein des Républicains sur la question. Également candidat à la primaire de la droite, Jean-Frédéric Poisson plaide de son côté pour une "allocation universelle". Le concept est également défendu par des personnalités telles que Dominique de Villepin ou Alain Madelin. Marine Le Pen, quant à elle, a indiqué en avril dernier qu’elle "réfléchissait" à l’intégrer à son programme.

Quel serait son montant?

La question reste très ouverte. Si le Premier ministre s’est bien gardé d’en définir un, d’autres osent franchir le pas. Dominique de Villepin avait ainsi proposé une allocation unique de 850 euros, quand le parti chrétien-démocrate milite pour un montant de 200 euros jusqu’à 18 ans, puis 400 euros ensuite.

Plus à gauche, la Fondation Jean Jaurès, proche du PS, s’est penchée sur la question. Après avoir étudié trois hypothèses (500, 750 et 1.000 euros par mois), elle a tranché en faveur de la solution intermédiaire, jugée plus réaliste: 225 euros jusqu'à 15 ans, 750 euros ensuite.

Quid du modèle de protection sociale actuel? 

L’étude de la Fondation Jean Jaurès estime que la mise en place d'un revenu universel ne pourra se faire qu’en "réorientant l'ensemble des dépenses actuelles de protection sociale (retraite, assurance-maladie, chômage, allocations familiales), à l'exception de celles consacrées à la prise en charge des affections de longue durée". Une idée partagée par l’économiste libéral Jean-Marc Daniel, pour qui la fin programmée du salariat doit, à terme, provoquer l’explosion du modèle social actuel.

En clair: un capital de départ conséquent (les sommes accumulées jusqu’à la majorité de chaque citoyen) et un revenu assuré, mais plus de pensions de retraite, de remboursement des dépenses de santé (hormis les maladies graves et les affections de longue durée), plus d’allocations familiales ni d’aides au logement, etc. Chacun sera libre d'utiliser une partie de son revenu universel pour s'offrir la protection d'une assurance privée. Le pourcentage du PIB actuellement affecté aux dépenses sociales servirait ainsi à financer ce modèle.

D’autres pays l'ont-ils mis en place? 

Le revenu de base est, ou a été, appliqué sous des formes diverses un peu partout dans le monde. En Alaska, les revenus miniers et pétroliers de l’État alimentent ainsi un dividende universel, versé tous les ans. Le concept a également été expérimenté dans certains villages d’Inde ou de Namibie. En 2012, le Koweit a de son côté mis en place un revenu de base inconditionnel. L’expérience la plus significative restant l’expérimentation au Canada -dont le niveau de vie se rapproche de celui de la France- dans la localité de Dauphin-ville. Avec un résultat plutôt positif, puisque l’incitation à l’oisiveté -argument principal des opposants au revenu de base- y avait été très faible, selon une étude réalisée après la période de test.

La Finlande, elle, va lancer une expérimentation sur une population de 2.000 personnes (choisies au hasard), qui toucheront 560 euros par mois. Tandis que le Premier ministre québécois Philippe Couillard envisage d'instaurer lui aussi un revenu minimum garanti dans sa province, d’un montant non encore déterminé. Enfin, au Brésil, une réforme menée par Lula en 2003 prévoit d’aboutir progressivement à une allocation unique. À moins que le nouveau gouvernement libéral ne décide de mettre le projet en sommeil.

Yann Duvert