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ADP : Les candidats se bousculent pour la privatisation

La privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) est bien lancée.

La privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) est bien lancée. - Lionel Bonaventure - AFP

Plusieurs industriels et investisseurs se préparent à la vente des aéroports de Roissy et Orly. Beaucoup craignent que l’État ne favorise le français Vinci. Bercy promet un processus transparent.

La privatisation d’ADP est bel et bien lancée. Officiellement, il faudra attendre le vote définitif de la loi Pacte, au mois de février, pour démarrer le processus de privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Mais déjà, l’État - actionnaire à 50,6% - se prépare. Il s’agit surtout pour lui de tester les forces en présence et l’appétit des investisseurs du monde entier. Le patron de l’Agence des participations de l’État (APE) a reconnu avoir des marques d’intérêts de « plusieurs consortiums ».

C’est tout le défi pour l’État actionnaire d’avoir une compétition assez forte pour faire monter les enchères et vendre la totalité de sa participation de 50,6%, qui est valorisée à 9 milliards d’euros. « Elle est bonne » assurait Martin Vial, le patron de l’APE, il y a quelques jours. Selon plusieurs sources, une vingtaine de candidats étudient le dossier. Mais tous devront se regrouper. Car le rachat des 50% de l'Etat obligera l'élu à lancer une OPA sur 100% d'ADP. Et personne n'est capable de mobiliser seul près de 20 milliards d’euros. Ainsi, l’État veut tester la volonté des « leaders » de consortiums. Charge à eux ensuite de trouver leurs associés. « On prendra notre temps car on veut s’assurer que ceux qui se manifestent aujourd’hui seront présents quand il faudra faire des offres sérieuses », ajoute-t-on à Bercy.

L’espagnol Ferrovial regarde de près

Déjà six noms sérieux se détachent. Évidemment Vinci, déjà actionnaire d’ADP à 8% et candidat déclaré de longue date. Il est proche de l’actuel actionnaire Predica, l’assureur du Crédit Agricole, qui est prêt à réinvestir dans le groupe. Il le serait aussi de la Caisse des Dépôts du Québec (CDPQ). Deux autres industriels sont sur les rangs. D’abord, l’espagnol Ferrovial, déjà propriétaire de l’aéroport londonien d’Heathrow, a confirmé à BFM Business s’intéresser à la privatisation d’ADP.

L’italien Atlantia a été pendant de longs mois le principal rival du français Vinci. Il a racheté à l’État l’aéroport de Nice en 2016, mais l’effondrement du pont de Gênes l’été dernier, dont il est le concessionnaire, handicape sa candidature. « Nous n’avons pas de signe qu’ils ont renoncé, tente de rassurer Bercy. Mais il est vrai que leur participation à la privatisation sera compliquée ». Plusieurs grands fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures sont également sur les rangs. Trois noms se dégagent : IFM, GIP et Macquarie. Le premier est « très motivé », expliquent plusieurs sources proches du dossier. « Ils s’équipent de banques et d’avocats et cherchent des partenaires financiers pour monter un consortium », ajoute l’une d’entre elles.

IFM aurait déjà pris contact avec des fonds canadiens et australiens pour l’épauler. Il est d’ailleurs déjà propriétaire de plusieurs aéroports en Australie, ainsi que ceux de Vienne et Manchester en Europe. Macquarie, bien connu en France pour avoir participé à la privatisation de l’aéroport de Lyon, est aussi l’un des favoris pour celle de Roissy et Orly. Il pourrait s’allier à GIC, le fonds souverain de Singapour, avec qui il dispose d’un partenariat au niveau mondial. Enfin, GIP - Global infrastructures Partners - est aussi en lice. Il est déjà propriétaire de l’aéroport londonien de Gatwick et de celui d’Edimbourg. Quoi qu’il en soit, tous ces candidats devront s’accorder avec Schipol, les aéroports néerlandais, qui détiennent 8% d’ADP. Selon plusieurs sources, ils souhaitent rester actionnaires après la privatisation. Ce serait aussi le cas de l’assureur Predica, qui détient 5%.

Tout sauf Vinci

Tous seront très attentifs au processus de vente que l’État mettra en place. «On veut la garantie que l’État ne favorisera pas Vinci, assure le responsable d’un de ces grands fonds. Lors de la privatisation de l’aéroport de Lyon, on a eu le sentiment que l’État a rajouté un tour d’enchère pour aider Vinci à remporter la mise ». Une accusation que Bercy réfute, répondant que la vente de l’aéroport de Nice aux italiens d’Atlantia est bien la preuve que l’État n’est pas hostile aux étrangers.

Au ministère de l’Économie, on assure que le processus de privatisation sera « transparent » et que le « seul critère de sélection sera le prix ». De quoi rassurer les candidats sur leurs soupçons de favoritisme. Vinci reste le grand favori, que tout le monde craint dans cette privatisation. À commencer par ADP. Bien qu’il s’en défende, le groupe préfèrerait d’abord ne pas être vendu à un seul actionnaire. Et surtout pas Vinci ! « ADP milite pour que l’État conserve une participation à son capital ou vende plusieurs blocs de sa part de 50,6% », décrypte un bon connaisseur. Mais depuis le début, l’État cherche à vendre la totalité de sa participation de contrôle pour maximiser ses recettes. Il se murmure que le propriétaire de Roissy et Orly verrait d’un bon œil la candidature du fonds d’infrastructure IFM.

Un repreneur qui permettrait à Aéroport de Paris et à sa direction de continuer à évoluer en tant que tel. Alors qu’un rachat par un industriel comme Vinci sera synonyme d’intégration et de la mise en place d’une nouvelle direction aux couleurs du groupe.

Matthieu Pechberty