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Economie et Social

Après Hulot, l'heure des choix nucléaires

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L’agenda nucléaire du futur ministre de l’environnement, n’est pas la fermeture des vieux réacteurs, mais les décisions à prendre pour en construire de nouveaux.

« Le nucléaire, cette folie inutile économiquement et techniquement dans lequel on s’entête », dans cette phrase de Nicolas Hulot sur France Inter hier les spécialistes n’ont retenu qu’un mot, c’est le dernier : « on s’entête ». Est-ce une indication de la stratégie énergétique d’Emmanuel Macron ? Ce sera sans doute au nouveau ministre de l’environnement de nous le dire. Car la grande décision nucléaire à prendre dans les semaines ou les mois qui viennent, ce n’est pas la décision de fermer tel ou tel réacteur, mais bien la décision d’en construire de nouveaux

Fermetures à partir de 2029

Nicolas Hulot voulait inscrire dans la loi (très exactement dans les décrets d’application) une liste nominative de réacteurs à fermer dans les 10 ans qui viennent. EDF a toujours dit que c’était une erreur économique. Le débat est vif sur la rentabilité de l’électricité nucléaire aujourd’hui, mais ce débat concerne les nouveaux réacteurs, pas ceux qui existent depuis 40 ans, qui sont largement amortis et qui dégagent en moyenne, dit EDF, 200 millions€ de résultat. Pourquoi fermer maintenant ces actifs industriels que les français ont payés et dont la vie peut être prolongée de 10 ou 20 ans ? Cette question est visiblement arbitrée, Nicolas Hulot avait annoncé lui-même que les premiers objectifs de la loi de transition énergétique étaient repoussés, et le plan d’EDF qui prévoit des fermetures progressives à partir de 2029, semble maintenant celui de l’exécutif, même si, à ce stade, rien n’est encore confirmé officiellement.

C’est aussi que la prévision sur les besoins en électricité est un exercice complexe. RTE, le gestionnaire du réseau, prévoit une stabilité de la demande sur les 40 prochaines années, EDF envisage plutôt un scénario d’accroissement de 0,2% par an (ce qui fait une différence importante au bout de 40 ans). Il faut évaluer la nouvelle demande liée à la montée en puissance de la voiture électrique ou de la climatisation, retranchée des progrès que l’on va faire dans l’efficacité de l’isolation des bâtiments par exemple. Exercice de haute voltige. EDF rappelle régulièrement qu’en prenant des décisions précipitées sur le nucléaire les allemands ont massivement relancé leurs émissions de CO2 à travers les centrales à charbon, et que l’hiver dernier, le réseau français n’a tenu qu’à un fil face une brutale chute de température

EDF veut lancer de nouveaux réacteurs

EDF demande donc maintenant au gouvernement d’aller plus loin et de l’autoriser à lancer des études sur la construction de nouveaux réacteurs en France. Et là le calendrier est serré. Entre les premières études et le raccordement au réseau il faut au moins 10 ans. On retombe donc sur cette date de 2029 qui verrait s’arrêter les réacteurs de première génération. C’est aussi un enjeu industriel. La filière nucléaire française souffre encore du coup d’arrêt des années 80-90, les compétences ont disparu, sur le chantier de l’EPR de Flamanville, l’affaire des soudures mal réalisées par des sous-traitant d’EDF a sonné comme un avertissement.

Lancer les études maintenant permet d’envisager le chantier en 2025 au moment où s’arrêtera celui d’Hinkley Point en Grande Bretagne, permettant à EDF de maintenir l’ensemble de ses équipes sous tensions. La rentabilité est plus forte en lançant, comme les anglais, un programme multiple et donc EDF plaide pour le lancement de deux réacteurs de nouvelle génération. Cette décision-là est-elle prise ? Le « on s’entête » de Nicolas Hulot peut le laisser penser. Le nom du nouveau ministre de l’environnement donnera une indication.

Stéphane SOUMIER