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Armée: branle-bas de combat dans la data

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- - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Le ministère des Armées l'a bien compris, l'exploitation des données est une question de souveraineté. Si leur collecte ne pose pas de difficultés, leur interprétation s’avère bien plus complexe. C'est tout l'enjeu du programme ARTEMIS qui tenait, en début de semaine, son forum à Paris.

L'armée française est submergée par un tsunami de données. Ce sont par exemple, tous les jours, des centaines d'heures de vidéos à exploiter en Irak ou en Syrie, les satellites, les conditions météo, le renseignement, les télémesures de tous les véhicules, bientôt les données biométriques des fantassins... Or l'armée ne possède pas l'infrastructure et l'intelligence artificielle nécessaires pour tout exploiter. Au mieux, explique un membre de la Direction Générale de l'Armement (DGA), « on peut analyser 5 à 10% de cette masse d'information ». Or cette masse est en perpétuelle croissance...

C'est l'essence même du « Big Data » et de l'intelligence artificielle que de déceler des signaux faibles dans des océans de données pour en tirer des évidences. Un haut gradé explique que « l'intelligence artificielle aurait peut-être pu détecter les kamikazes du 11 septembre. Car ces derniers, durant leurs cours de pilotage, ne se préoccupaient absolument pas des questions d'atterrissage... ».

La maîtrise de la donnée permet la prédiction. Qui va nous attaquer? Quand? Avec quelles armes? C'est aussi la possibilité d'anticiper les pannes sur les véhicules ou encore de surveiller en permanence les constantes vitales des hommes sur le terrain... C'est tout l'enjeu du programme ARTEMIS. (Architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source).

Le combat des Titans

Pour déployer sa stratégie, la DGA a organisé un grand combat. Sur le ring, Atos, Cap Gemini et un consortium composé de Thalès et de Sopra Steria. D'ici 2021, il n'en restera qu'un. Le vainqueur pourra déployer ses solutions dans l’armée française (IA, cloud..). Une compétition qui à le mérite de créer un véritable appel d'air dans le secteur. Car autour de chacun de ces groupes, gravite une multitude de startups et de PME de haut niveau, qui peuvent proposer leur briques technologiques.

Le programme ARTEMIS est doté aujourd’hui d'un budget de R&T (recherche et technologie) de 10 millions d'euros, il doit passer à 100 millions d'ici 2022. A partir de là, il faudra ensuite déployer le système. La DGA estime que cette phase transitoire pourrait durer entre 5 et 10 ans. Un calendrier jugé par beaucoup très optimiste car la masse de travail est considérable.

Palantir dans tous les esprits

Mais une question demeure : pourquoi ne pas faire appel, comme la DGSI en 2016, au spécialiste américain de la donnée: PALANTIR ? (qui vient de recruter Fabrice Brégier). « C'est évidemment pour une question de souveraineté » explique t-on à la DGA, mais aussi, ajoute Charles Puaux partner chez Pertimm (cofondateur du moteur de recherche Qwant), « Parce que nous sommes passés dans une ère post Palantir. Nos algorithmes, nos éléments de cœur sont pensés en français, et ça change tout en terme de finesse d'analyse ».

Initié par Jean-Yves le Drian, poursuivi par Florence Parly, ARTEMIS est un programme qui s'inscrit dans la durée. « Une démarche dont on ne perçoit pas encore l'outil » concède cependant un militaire... Mais l'objectif est clair : poser les bases de l'armée des cinquante prochaines années.