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Budget 2019: Les milliards qui changent tout

La portée des choix budgétaires pour 2019 est historique. (image d'illustration)

La portée des choix budgétaires pour 2019 est historique. (image d'illustration) - Loïc Venance - AFP

Loin d’être anecdotiques, les choix budgétaires initiés la semaine dernière par Emmanuel Macron ont une portée historique: affirmer qu’un retour à l’équilibre est possible, quoi qu’il en coûte politiquement, pour la première fois depuis quarante ans. La fin des charges sur les heures supplémentaires ne va pas dans ce sens.

Le climat économique change vite, on le réalise quand on relit aujourd’hui le scénario envoyé par le gouvernement à Bruxelles en avril dernier. En avril Bercy pouvait parler d’une reprise « confirmée, soutenue par un environnement international porteur » et souligner « le dynamisme du pouvoir d’achat des ménages dans un contexte d’évolution favorable du marché du travail ». Dans ce contexte, on pouvait « ancrer fermement » la perspective d’un retour à l’équilibre des finances publiques. Le message était clair : plus question de se contenter de rester en dessous des fameux 3% de déficit, l’objectif c’était désormais d’aller vers l’excédent budgétaire, « léger excédent » précisait tout de même Bercy, avec une « correction des déséquilibres structurels de nos finances publiques ».

Rappelons-le d’un mot, le parlement n’a pas voté un budget équilibré depuis 44 ans. Mais en quelques mois, le climat a radicalement changé. En déclenchant la guerre commerciale, Donald Trump a fragilisé le « climat économique porteur », et le choc fiscal du début de l’année a porté un coup très net au dynamisme du pouvoir d’achat des ménages, l’INSEE évoquant un « freinage relativement brutal » Rien de dramatique, néanmoins, pour citer encore l’INSEE « l’activité économique reste robuste » avec la perspective, en fin d’année, d’une « consommation des ménages plus vigoureuse que prévu »

Le gouvernement déterminé

C’est bien pour cela que le président de la République prend son temps pour rendre publics les derniers arbitrages budgétaires : leur portée pourrait être historique. Dans les conditions économiques actuelles, il serait assez simple de laisser filer légèrement le déficit, disent les spécialistes budgétaires, il s’inscrira de toute façon bien en dessous des 3% exigés par les traités.

La promesse 2019 est de 2,4%, et avec une croissance légèrement revue à la baisse (1,7% au lieu d’1,9% pour 2019 dit Edouard Philippe dans le Journal du Dimanche) on monterait finalement à 2,6% de déficit. Hypothèse écartée par Gerald Darmanin lui-même, ministre des comptes publics au tout début du mois d’août : « quoi qu’il arrive (…) nous ne changerons pas notre objectif de déficit »

Un choix historique

Mais c’était avant l’affaire Benalla. Au début du mois d’août, Gérald Darmanin répondait au rapporteur général du budget, Joël Giraud, député LREM, qui se faisait l’écho d’une demande sociale d’une partie de la majorité. La pression commençait à monter pour demander des gestes supplémentaires sur le pouvoir d’achat ou sur l’emploi. Le gouvernement se sentait alors suffisamment fort pour y résister. L’est-il encore en cette rentrée ? C’est une question à 5 ou 6 milliards d’euros.

C’est à peu près la somme qui manque pour respecter les prévisions faites au printemps dernier. En l’absence de réforme fondamentale des dépenses publiques, on sait déjà où aller chercher ces milliards : sur la politique du logement (1,2 milliard supplémentaire sur la réforme des APL, confirmée la semaine dernière par le ministre de la cohésion des territoires), sur les contrats aidés (leur nombre pourrait être divisé par deux entre 2018 et 2019) et sur le gel d’une partie des prestations sociales, Edouard Philippe confirmant hier la faible augmentations (0,3%) des allocations familiales et des pensions de retraite.

Mais Edouard Philippe, avance dans le même temps une augmentation « très significative » de la prime d’activité, du minimum vieillesse et de l’allocation adultes handicapés. Surtout, il lâche 2 milliards d’Euros supplémentaires (en année pleine) pour supprimer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires de « tous les salariés, privés comme publics ». Un jeu de bonneteau complexe à évaluer, et qui amène le Premier ministre à rester très prudent justement, se gardant bien de donner un chiffre précis sur le déficit 2019. Pourtant les décisions en préparation seront regardées de très près, notamment par les investisseurs internationaux.

Si le gouvernement laisse filer le déficit, alors il aura suivi les gouvernements qui se succèdent depuis quatre décennies : promettre la rigueur et lâcher finalement sous la pression politique. En revanche, la décision inverse enverrait un signal très fort : le rétablissement des finances publiques comme priorité, « quoi qu’il en coûte », « quoi qu’il arrive » disait Gérald Darmanin.

Stéphane SOUMIER