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Economie et Social

Budget 2019: pitoyable défaite

Taux de prélèvements obligatoires (INSEE)

Taux de prélèvements obligatoires (INSEE) - -

Le gouvernement a reconnu qu’il n’était pas sûr de rester sous les 3% de déficit public en 2019. Défaite invraisemblable, on rend les armes, en rase campagne, sans ennemis en face

C’est une telle habitude que l’on peut balayer cela d’un revers de main : le gouvernement renonce à l’ensemble des prévisions de déficit public qu’il avait envoyées à Bruxelles. Raison invoquée : le ralentissement de la croissance économique. Allons bon, Lehman Brothers aurait à nouveau fait faillite ? Non, simplement une croissance attendue à 1,9% va s’afficher à 1,7%. Et c’est cela qui suffit à renoncer à tout ce qui pourrait permettre de relancer durablement l’économie nationale.

Je vous passe les détails sur le « cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés gagnant plus de 250 millions€ » mais Bruno Le Maire nous dit qu’il en est là, aller chercher de la trésorerie en urgence comme un affairiste de quartier, pour assurer le respect des traités et ne pas repasser la barre des 3% de déficit public en 2019.

La « cagnotte » a été balayée

C’est ahurissant, invraisemblable, quand on parle du budget de la France on parle de 1270 milliards d’euros de dépense publique, et on est incapable d’aller y chercher les quelques dizaines de milliards qui donneraient un peu de souplesse à nos équilibres budgétaires. Ahurissant, invraisemblable, quand on se souvient d’un débat irréel qui commençait à naître au printemps sur une éventuelle cagnotte. Elle a été balayée la cagnotte, et pas par une tornade, mais bien par une petite brise d’été.

Le gouvernement argue de ce qu’il fait des efforts exceptionnels : la reprise de la dette de SNCF réseau ? Pourquoi pas, mais ce n’est qu’une poignée de milliards. La transformation du CICE en baisse de charges ? Pourquoi pas, mais c’est d’abord un effet comptable. Penser que ces éléments bouleversent le budget d’une des dix premières économies du monde c’est prendre la mesure de l’état de nos finances publiques, et finalement du manque de courage politique du président de la République pour affronter le problème.

Le pouvoir n’a plus d’ambition

Car c’est bien ça le plus amer, le pouvoir n’a même pas cherché à mener le combat. Vous avez un système à bout de souffle, des écoles dans lesquelles il pleut, des hôpitaux qui craquent, des universités surchargées, des prisons qui font honte, où que vous tourniez le regard le système public n’en peut plus, et il absorbe pourtant près de la moitié de la richesse du pays, il prélève, de manière obligatoire, 45,3% de la richesse produite par ceux qui travaillent en France, et on nous dit qu’on n’y peut rien, qu’on va continuer à bricoler, donner deux milliards par ci sur les heures supplémentaires, en reprendre deux autres par là sur les cotisations patronales, vivre d’expédients et de cavalerie comptable. Comment penser avoir de l’ambition dans ces conditions?

En décidant de reculer devant l’obstacle budgétaire le gouvernement se lie les mains. Privé de la moindre marge de manœuvre il se trouvera dans l’incapacité de mener la moindre réforme d’ampleur. On dit beaucoup que la meilleure manière d’en finir avec les rentes et les privilèges c’est souvent de les racheter, encore faut-il en avoir les moyens. Nous ne les avons pas, nous ne cherchons même pas à les avoir. Sauf à la jouer à l’italienne, proclamer qu’on ne « paiera plus », dénoncer les traités. On espère qu’on n’en est pas encore là.

Stéphane SOUMIER