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Budget : la dette de la SNCF complique un peu plus les objectifs de Bercy

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Illustration - PHILIPPE HUGUEN / AFP

Une nouvelle épine dans le pied de Bercy: l'Insee a décidé d'intégrer la dette de la SNCF dans les comptes publics avant la date officielle de sa reprise par l'Etat, mettant le gouvernement sous pression en pleine préparation du budget.

C'est par un communiqué d'allure technique que l'organisme public a annoncé jeudi avoir incorporé la dette de SNCF Réseau, la société chargée de gérer les infrastructures ferroviaires, dans la dette publique, à compter de 2016. En cause: l'équilibre financier de l'entreprise, dont les recettes marchandes -- alimentées par les péages payés à chaque passage de train -- se sont lentement érodées, passant cette année-là sous la barre fatidique des 50%.

"Ce reclassement", décidé en lien avec l'organisme européen Eurostat, "a mécaniquement un impact sur le déficit", lesté par les mauvais résultats de l'entreprise (3,2 milliards d'euros de pertes en 2016 et 2,2 milliards d'euros en 2017), a souligné l'Insee. D'après l'institut statistique, le déficit public français a ainsi atteint 3,5% du Produit intérieur brut (PIB) en 2016, au lieu des 3,4% jusque là annoncés. Et en 2017, il s'est établi à 2,7% du PIB, au lieu de 2,6%.

Autre conséquence: le niveau de la dette publique, fruit de l'accumulation des déficits, a été révisé afin d'y intégrer la dette de l'entreprise, soit 37 milliards d'euros en 2016 et 39,5 milliards d'euros en 2017. "Ces montants sont inférieurs à la dette brute de SNCF Réseau", actuellement proche de 50 milliards d'euros, "dans la mesure où une fraction de la dette de l'entreprise, d'environ 10 milliards d'euros, était déjà inscrite au passif de l'Etat", précise l'Insee. Mais l'impact est malgré tout important. D'après l'organisme public, la dette s'est envolée à 2 188 milliards d'euros fin 2016, soit 98,2% du PIB, puis à 2 257 milliards d'euros fin 2017, soit 98,5% du PIB.

100% de dette publique

Pour le gouvernement, confronté à un tassement de la croissance et qui peine à trouver des mesures d'économies pour tenir ses engagements budgétaires, la décision de l'Insee est un défi supplémentaire. L'exécutif a prévu de reprendre la dette de la SNCF en deux temps, en 2020 et en 2022. Mais "l'analyse statistique n'est pas obligée de suivre l'analyse juridique", explique à l'AFP François Ecalle, ancien magistrat à la Cour des comptes.

Juridiquement parlant, la dette de la SNCF ne sera bel et bien reprise qu'à partir de 2020. Mais au niveau statistique, elle vient déjà modifier la trajectoire budgétaire du gouvernement, qui se retrouve sous pression pour deux raisons. La première porte sur le déficit.

Fin août, le ministre des Finances Bruno Le Maire avait reconnu que la France ne tiendrait pas son objectif de 2,3% de déficit public en 2018, évoquant un chiffre aux alentours de 2,6% du PIB. En cause, selon lui: l'impact de la moindre croissance, qui pourrait peser à hauteur de 0,2 point de PIB, mais aussi l'impact de la dette de la SNCF, d'ores et déjà anticipé, avec un effet évalué à 0,1 point de PIB. Un impact qui n'est pas à exclure pour 2019, alors que Bercy doit déjà composer avec plusieurs contraintes pour son projet de loi de finances (PLF), dont la transformation du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse de charges, qui coûtera 20 milliards d'euros à l'Etat.

"Tant que la SNCF Réseau sera dans le rouge, son déficit pèsera sur celui de l'Etat", souligne François Ecalle, qui prédit une équation budgétaire compliquée l'an prochain, avec de possibles entorses aux règles européennes. "On va flirter avec les 3% de déficit", soit la limite fixée par Bruxelles, estime ce spécialiste des finances publiques. Un niveau éloigné des 2,4% promis en avril par le gouvernement lors du programme de stabilité budgétaire.

L'autre danger qui guette est tout aussi symbolique: celui de voir la dette dépasser la barre des 100% du PIB, quand bien même la trajectoire de Bercy prévoit une baisse cette année. "La dette publique est saisonnière, du fait du calendrier des impôts: elle augmente les six premiers mois de l'année, puis diminue les six mois suivants. Il est donc possible qu'à l'heure actuelle, la barre des 100% ait été franchie", prévient M. Ecalle.

AFP