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Finances publiques

Baisser les impôts et les dépenses: le casse-tête que Bercy va devoir résoudre

En choisissant finalement d'enclencher dès l'an prochain l'exonération de la taxe d'habitation et la réforme de l'ISF, le gouvernement s'est compliqué la tâche. Le budget 2018 relève quasiment de l'équation impossible à résoudre.

Difficile de s'y retrouver dans la communication fiscale du gouvernement. Ce lundi, Bercy a confirmé que la transformation de l'ISF en un impôt sur la fortune immobilière (IFI) aurait lieu dès l'an prochain, et non en 2019 comme annoncé par Édouard Philippe dans son discours de politique générale la semaine dernière.

Dans la même logique, l'exonération de taxe d'habitation pour les 80% des ménages les plus modestes qui y sont assujettis sera mise en place progressivement dès l'an prochain. Là encore, le Premier ministre avait initialement semblé renvoyer cette mesure à bien plus tard en se contentant d'affirmer qu'elle serait effective "d'ici à 2022".

L'exécutif a donc visiblement changé son fusil d'épaule durant le week-end pour faire en sorte, comme l'expliquait dimanche Bruno Le Maire sur BFMTV, de "ne pas opposer baisse des dépenses publiques et de l'autre côté baisse des impôts pour les ménages et les entreprises". "Il faut faire les deux en même temps", avait-il alors insisté.

"Illisibilité fiscale absolue"

Le message de fond est néanmoins difficile à décrypter. Nicolas Doze, éditorialiste de BFM Business, évoque ainsi "une illisibilité fiscale absolue" et "un défaut de clarté de communication".

Comme pour ajouter à la confusion, Édouard Philippe a "annoncé" des baisses de prélèvements obligatoires de 7 milliards d'euros pour l'an prochain. Sauf que le chef du gouvernement se garde bien de dire que la grande partie de ce montant (6,1 milliards d'euros selon la Cour des comptes) proviendra de mesures votées avant 2017 par le précédent gouvernement. C'est le cas, par exemple, de la hausse du taux du CICE (3,3 milliards d'euros) de l'extension de la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant jusqu'à 500.000 euros de bénéfices (1 milliard), de la création d'un CICE pour les associations (600 millions) ou encore de l'extension aux retraités et aux personnes handicapés non imposables du crédit d'impôt pour les services à la personne (1,1 milliard d'euros).

Une façon de présenter les choses qui s'apparente "à de la vieille politique: on récupère un engagement politique qui date de la précédente majorité et dont on assume la paternité alors qu'on n'y est pour rien", dénonce Nicolas Doze.

Contrainte budgétaire

Il n'en demeure pas moins que vouloir tenir toutes ces contraintes dès 2018 relève quasiment de la gageure. En sus de la baisse des prélèvements déjà évoquée, les mesures prises sur la taxe d'habitation et la réforme de l'ISF représentent un coût additionnel de 6 milliards d'euros, selon Les Échos. S'ajoutent les dérapages sur les dépenses de l'État pointées du doigt par la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation sur les finances publiques. Elle les chiffre à environ 8 milliards d'euros pour 2018.

Enfin et non des moindres, le gouvernement devra aussi tenir compte de la contrainte budgétaire sur le déficit. En effet, l'exécutif a promis de repasser sous la barre des 3% dès cette année. Même s'il y parvient, il lui faudra faire encore plus fort l'an prochain.

"Les traités européens imposent de réduire de 0,5 point de PIB le déficit structurel chaque année (déficit hors aléas de la conjoncture, NDLR). Une fois atteint le seuil des 3%, il reste donc nécessaire de poursuivre la consolidation sur le plan structurel. Dès lors, même lorsqu’un gouvernement respecte la règle des 3%, les efforts budgétaires ne sont pas pour autant terminés", explique ainsi Alan Lemangnen, économiste chez Natixis.

J.M.