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Christian Eckert: "Le gouvernement est en train de démonter ce que nous avons construit"

Christian Eckert, l'ancien secrétaire d'État au Budget.

Christian Eckert, l'ancien secrétaire d'État au Budget. - Bertrand Guay - AFP

L’ancien secrétaire d’État au Budget juge sévèrement le projet de loi de Finances pour 2018, qu’il estime être favorable aux plus riches. Entretien.

En retrait depuis son départ du gouvernement, Christian Eckert n’en garde pas moins un œil attentif aux mesures décisions de l’exécutif. Pour Bfmbusiness.com, l’ancien secrétaire d’État au Budget revient sur le projet de loi de finances pour 2018, et règle quelques comptes avec le gouvernement.

  • Que vous inspire le projet de loi de Finances pour 2018?

Comme beaucoup de monde, j’ai le sentiment que ce budget fait la part belle aux Français les plus aisés. Prenez l’exemple de la suppression de l’ISF: le gouvernement veut réorienter l’épargne vers l’économie réelle, alors même que l’assurance-vie -qui n’est par nature pas réinvestie- n’est plus taxée. Une personne qui vend un bien immobilier pour le placer sur un contrat d’assurance-vie échappe désormais à l’IFI, cela me choque beaucoup.

D’un point de vue budgétaire, je m‘étonne également que beaucoup de ministres aient annoncé une augmentation de leurs crédits, alors même que des économies importantes sont prévues.

D’une manière générale, cette loi de finances n’est pas très conforme à ce que l’on en dit. Et je remarque également que l’on ne parle pas des recettes fiscales, meilleures que prévu, et qui sont le fruit du précédent quinquennat.

  • L’économiste Gabriel Zucman estime que la "flat tax" coûtera à terme 10 milliards d’euros par an à l’État, et non 1,5 milliard. Cela vous semble crédible?

Si le chiffre de 10 milliards me paraît un peu exagéré, cette tribune ne m’a pas surpris, j’en partage d’ailleurs l’esprit. Le problème, c’est que l’on ne peut pas prévoir quels seront les comportements des hauts revenus avec ce changement de fiscalité.

Ce problème se pose d’ailleurs assez souvent. A titre d’exemple, lors de la mise en place du crédit d’impôt transition énergétique, nous nous sommes basés sur le nombre de changements de chaudières par an. Mais avec le changement de fiscalité, un plus grand nombre de personnes l’ont finalement changé. Donc cela a coûté plus cher que prévu. Ce qui est sûr, c’est que cette "flat tax" risque de coûter bien plus cher que ce que prévoit le gouvernement.

  • Cette "flat tax" est-elle néanmoins une bonne mesure?

Elle me choque sur le plan éthique, car la fiscalité sera désormais plus avantageuse pour les revenus du capital que pour ceux du travail. C’est d’ailleurs un peu irritant: on a souvent reproché au précédent gouvernement de ne pas avoir mené de révolution fiscale. Mais nous avons aligné l’imposition du travail et du capital, c’était une vraie révolution fiscale! Le gouvernement actuel est en train de démonter ce que nous avons construit.

  • Êtes-vous favorable à la fin des allocations familiales pour les ménages les plus riches?

De la même manière que, tous les ans, le débat sur l’assujettissement des œuvres d’art à l’ISF revient sur le devant de la scène, celui sur les allocations familiales est récurrent. Je ne suis pas favorable à ce qu’on revienne là-dessus tous les ans, pour des enjeux économiques qui ne sont pas particulièrement importants.