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Publicité pour l'alcool: les députés assouplissent la loi Evin

Contre l'avis du gouvernement, et en dépit des alertes de l'ancien ministre de la Santé Claude Evin, un amendement à la loi Macron qui détricote l'encadrement de la publicité sur l'alcool a été adopté par les députés ce 11 juin.

Le cri d'alerte de Claude Evin, ancien ministre de la Santé et rédacteur de la loi éponyme, dans Le Parisien le 8 juin, n'y aura rien fait. L'Assemblée nationale a adopté, ce 11 juin, un amendement à la loi Macron qui libéralise la publicité en faveur de l'alcool. Et ce, contre l'avis du gouvernement. 

La loi Evin a été adoptée il y a plus de vingt ans, en 1991. Outre l'interdiction de fumer dans les lieux publics, elle encadre strictement la publicité pour le vin et les spiritueux. C'est elle par exemple, qui instaure l'obligation de faire figurer la mention "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé" sur les bouteilles. Elle proscrit par ailleurs la publicité à la télé, au cinéma et à la radio le mercredi et entre 17 heures et minuit, ainsi que sur les sites internet destinés aux jeunes.

La consommation des jeunes explose

Or selon l'ex-ministre et plusieurs associations, l'amendement de quelques lignes dans la loi Macron vise à "lever toute contrainte à la publicité sur les alcools", souligne quelque 35 organismes du fonds Actions Addictions, dans un courrier envoyé aux élus.

La ministre de la Santé Marisol Touraine avait réagi lundi en appelant "à ne pas changer la loi", faisait part "de son incompréhension et de sa préoccupation" face à cet amendement.

Claude Evin estimait que si l'amendement passait, ce serait la mort de sa loi, relate Le Parisien. Un drame, alors que la trop forte consommation d'alcool est la deuxième cause de mortalité en France, et que les maladies qui y sont liées touchent des individus de plus en plus jeunes. Chez eux, la consommation aigüe, de type "binge drinking", explose depuis 2005.

30% des viols liés à l'alcool

Selon Claude Evin, les quelques lignes dans la vaste loi de réforme de l'économie seraient le fruit du labeur intense du lobby des spiritueux. Alors que, souligne l'éditorialiste du Parisien, la profession a "peu de raison de se plaindre", dans la mesure où elle est "bien mieux traitée que (ses) collègues cigarettiers". L'ancien ministre de la santé lui-même raconte comment la partie de sa loi concernant l'alcool a été sans cesse détricotée, tandis que la partie concernant le tabac était durcie considérablement.

La cause selon lui: "la banalisation de l'alcool dans notre société", déplore-t-il sur BFM TV. Il pointe en outre "un refus au sein de la population de de voir les dangers réels en matière de santé, d'une consommation excessive". Selon les données de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en 2013, l'alcool était à l'origine de 25% des actes de maltraitance sur enfant, de 30% des viols et agressions sexuelles, et de 40% des violences conjugales.

N.G.