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Croissance: "l'Allemagne peut lâcher du lest, pas la France"

Pour nos analystes, il ne sert à rien de s'arcbouter sur l'objectif de réduction du déficit à 3% du PIB.

Pour nos analystes, il ne sert à rien de s'arcbouter sur l'objectif de réduction du déficit à 3% du PIB. - Kirill Kudryavtsev - AFP

La croissance française a été nulle au deuxième trimestre 2014, a annoncé l'Insee ce 14 août. Décryptage des enjeux de la stagnation de l'économie par les économistes et analystes invités de BFM Business.

Deuxième trimestre de croissance nulle pour la France. Le verdict a été prononcé par l'Insee ce 14 août. Résultat, le gouvernement, qui voulait encore croire à une progression de 0,3%, a dû ramener sa prévision de croissance initiale pour 2014, un optimiste 1%, à 0,5%. Il a également admis que son objectif de réduction de déficit à 3% du PIB ne serait pas atteint en 2015. Et il réclame à cors et à cris l'aide de l'Europe et de l'Allemagne. Voici ce qu'en pensent les analystes sur BFM Business.

> Sur l'investissement

Principale raison de la faible croissance en France entre avril et mai: l'investissement, en particulier celui des entreprises, qui continue de se replier depuis déjà plusieurs trimestres. Un point noir pour nos experts.

Jean Paul Betbèze, économiste et fondateur de Betbèze Conseil: "c'est le vrai élément de crise: les entreprises n'investissent pas, n'embauchent pas. Le moral des troupes n'est pas bon. Elles tentent de résister, mais elles ne peuvent pas tenir l'investissement. C'est aussi vrai pour les ménages, qui n'investissent plus dans leur logement. Un énorme problème, principalement un problème de confiance".

Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis Asset Management: "quand on regarde le détail de ces chiffres, ce qui est préoccupant, aussi bien en France qu'en Allemagne (où la croissance s'est repliée de 0,2% au T2, ndlr), c'est que l'investissement baisse. Que ce soit celui des entreprises ou celui des ménages en France. Il y a une problématique quant à la capacité à se projeter dans le futur. L'investissement des entreprises, qui baisse depuis plusieurs mois, cela gratte sur la croissance potentielle, sur la capacité de l'économie française à rebondir."

> Sur l'Allemagne

La France a publié une croissance nulle, l'Allemagne un recul de son PIB de 0,2% au deuxième trimestre 2014. Du coup Paris en profite pour réclamer des mesures de croissance à son voisin outre-Rhin. Des demandes injustifiées, pour nos analystes.

Gilles Moec, chef économiste Deutsche Bank: "le ralentissement économique allemand est réel. Mais c'est pour nous en majeure partie une conséquence quasi-automatique de ce qui se passe en Ukraine. Cela rend peut-être l'Allemagne plus indulgente, mais à la marge seulement. Cela étant, il suffit de voir la situation de la croissance potentielle, la profitabilité des entreprises allemandes, pour comprendre qu'il y a une différence de trajectoire entre la France et l'Allemagne. Berlin peut se permettre de lâcher un peu de lest. Pas Paris."

Jean Paul Betbèze, économiste et fondateur de Betbèze Conseil: "si je dois maigrir, ce n'est pas parce que l'Allemagne va manger davantage que cela va beaucoup m'aider. Ce n'est pas ce qui va me faire maigrir moi. L'Europe doit travailler à la croissance, mais nous devons faire des efforts ici. Et c'est moins à l'Allemagne seule qu'à l'Europe de faire des efforts".

> Sur le déficit

Le ministre des Finances, Michel Sapin, a admis ce jeudi après la publication de la croissance au deuxième trimestre que l'objectif de réduction du déficit à 3% ne serait pas atteint en 2015, comme promis à l'UE. Pas un problème pour les analystes, à condition que la France continue de se réformer.

Gilles Moec, chef économiste Deutsche Bank: "si la France ne parvient pas à réduire son déficit à 3% du Pib en 2015, il n'y aura pas de char d'assaut bruxellois sur la place de la Concorde. Cela ne vaut pas la peine de s'arcbouter sur cet objectif, mais il faut en parallèle tenir les objectifs de long terme. C'est une chose de ne pas tenir cet objectif parce que la conjoncture est mauvaise. C'en est une autre de régulièrement échouer à présenter à ses partenaires européens quelque chose de crédible et de concret sur la dépense publique."

Jean-Louis Beffa, président d'honneur de Saint Gobain: "il faut dire clairement: la France a besoin d'un peu plus de temps, mais elle vous montre comment elle se réforme. Mais il ne faut pas que ce soient des demi-réformes. Ce n'est pas compliqué, il suffit d'aller prendre le train pour voir ce que l'on a fait en Allemagne, ou prendre l'avion pour la Suède. Il ne faut pas se laisser entraîner par les déclarations de la gauche du Parti socialiste, il faut lever le doute de toute évolution de la politique."

N.G.