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Défense: et si on économisait sur la dissuasion nucléaire?

Le Terrible, ici lors de son inauguration en 2009, est l'un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins français

Le Terrible, ici lors de son inauguration en 2009, est l'un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins français - Mychèle Daniau-AFP

Face aux menaces terroristes, François Hollande a annoncé l'arrêt des baisses des effectifs militaires et des moyens budgétaires supplémentaires pour la Défense. Mais comment financer cet effort? Pourquoi pas en taillant dans la dissuasion nucléaire?

Comment dégager des moyens militaires supplémentaires pour répondre à la menace terroriste? Ce mercredi midi, lors d'un conseil de Défense à l'Elysée, le chef de l'Etat, qui est aussi chef des Armées, a confirmé ce 21 janvier l'arrêt des baisses d'effectifs militaires. Il a demandé une "actualisation d'ici l'été de la loi de programmation militaire. 

Mais avec 31 milliards d'euros par an de dépenses militaires "sanctuarisées" sur la période 2014-2019est-il toujours possible d'entretenir une armée de 250.000 hommes capable d'intervenir sur plusieurs terrains extérieurs ? 

Choisir entre les sous-marins nucléaires et les Rafale

En privé, nombre de politiques de droite comme de gauche affirment avoir la solution : tailler dans les dépenses de dissuasion nucléaire. Hervé Morin, l'ancien ministre centriste de la Défense est l'un des rares à avoir eu le courage d'évoquer ouvertement le sujet, le 10 janvier sur RTL. Il suggère de ne conserver que les sous-marins nucléaires, les plus efficaces et les moins vulnérables selon les experts.Ce qu'ont d'ailleurs fait les Britanniques en 1998.

La dissuasion française repose actuellement sur deux composantes. D'abord quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) basés à l'Ile-Longue, près de Brest, dont au moins l'un est en permanence en mer. Le dernier de la série, le Terrible, a été lancé en 2010. 

La seconde composante est constituée de deux escadrilles de Mirage 2000 et de Rafale (soit 40 appareils) pouvant emporter des missiles nucléaires. Les Rafale-marine avec leur charge nucléaire peuvent également être embarqués à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle

Mais pour assurer un long rayon d'action à ses bombardiers, l'Armée de l'air doit entretenir parallèlement 14 avions ravitailleurs de conception américaine qui datent d'un demi-siècle... Ce qui nécessite leur remplacement à terme. 

La dissuasion coûte 3,8 milliards d'euros par an 

Pour la période 2014-2019, la dissuasion nucléaire représentera 6% des crédits militaires. Plus de 23 milliards d'euros sur cinq ans devraient être consacrés à son entretien et sa modernisation, dont 3,8 milliards en 2015. Selon un récent rapport d'information de l'Assemblée, la modernisation de la composante sous-marine devrait nécessiter 29 milliards, celle de la force aérienne 2,6 milliards sur les 10 prochaines années. 

Depuis la fin des années 90, la France a déjà réduit la voilure en matière de dissuasion. L'Armée de terre s'est vu retirer ses missiles Hadès installés sur des blindés. Et les gros missiles balistiques du plateau d'Albion, en Provence, ont été désarmés. 

Supprimer désormais la composante aérienne permettrait de réaliser des économies suffisantes pour abonder les moyens des forces conventionnelles susceptibles d'être engagées à l'extérieur. A quoi les militaires, au premier rang desquels les aviateurs naturellement, répondent que les économies réalisées ne seraient pas automatiquement reversées à la Défense. 

En 2010, Nicolas Sarkozy avait bien fait un premier pas en décidant de réduire de trois à deux le nombre d'escadrons d'avions pouvant emporter des charges nucléaires. En 2013, la question avait à nouveau été posée à l'occasion de la préparation de la loi de programmation militaire 2014-2019. François Hollande avait tranché pour le maintien des deux composantes. Cette posture sera-t-elle longtemps tenable? 

Les quatre grandes puissances nucléaires 

> Etats-Unis: 7.500 têtes nucléaires

> Russie: 8.000

> France: 300

> Grande Bretagne : 225

Source: rapport parlementaire Cornut-Gentille, octobre 2014.

Patrick Coquidé