BFM Business
Finances publiques

Dépense publique: la Cour des comptes reste sceptique sur les prévisions du gouvernement

Les sages de la rue Cambon jugent que les prévisions de déficit du gouvernement pour 2018 sont atteignables, mais sont bien plus inquiets pour les années suivantes.

Un satisfecit et une mise en garde: en plein débat sur les économies budgétaires, la Cour des comptes a pressé mercredi le gouvernement d'"agir" pour réduire le déficit, jugeant les objectifs de Bercy "atteignables" en 2018 mais "fragiles" au-delà.

"Restaurer durablement la soutenabilité des finances publiques implique de ne pas se contenter de l'amélioration récemment constatée de la situation économique", a souligné la Cour dans son traditionnel rapport sur les perspectives des finances publiques.

La France est certes "sortie de la procédure de déficit excessif" en ramenant l'an dernier son déficit public sous la barre fatidique des 3% du produit intérieur brut (à 2,6%), pour la première fois depuis 2007.

Mais sa situation "s'est détériorée par rapport à celle de ses partenaires européens". Par rapport à 2007, la dette publique ayant grimpé de 32,3 points pour atteindre 96,8% du PIB, la Cour appelle l'exécutif à une "action résolue" pour tenir ses engagements.

La prévision de déficit "atteignable" en 2018

Dans son "programme de stabilité budgétaire", adressé en avril à la Commission européenne, le gouvernement a annoncé un déficit de 2,3% du PIB cette année, puis de 2,4% en 2019, 0,9% en 2020 et 0,3% en 2021, avec une croissance de 2% cette année puis 1,7% en fin de quinquennat.

Mais le ralentissement de l'activité économique au premier trimestre (0,2% de croissance après 0,7% fin 2017), ajouté au flou persistant sur la nature des économies promises par Bercy, a fait naître des craintes sur la capacité de l'exécutif à tenir ses engagements.

Le cap sera-t-il respecté? Concernant 2018, la prévision de déficit du gouvernement est "atteignable", estime dans son rapport la Cour des comptes, qui juge le risque de dépassement "modéré" malgré les "aléas plutôt défavorables qui entourent la croissance".

D'après la Cour, la prévision de recettes de l'État pourrait certes se révéler "un peu élevée", du fait du moindre dynamisme de l'activité. Mais la prévision des dépenses est "plausible" et les risques de dérapages "plus faibles" qu'en 2016 et 2017, ajoute-t-elle.

"Le principal aléa tient aux collectivités territoriale"

Les magistrats financiers se montrent en revanche plus réservés sur les perspectives après 2019. La trajectoire de Bercy est affectée "par de nombreuses fragilités", soulignent-ils, évoquant des hypothèses de croissance "optimistes" et des points problématiques.

"Le principal aléa tient aux collectivités territoriales, dont la prévision de dépenses reste soumise à des incertitudes fortes quant à l'impact du nouveau mécanisme de contractualisation", estime ainsi la Cour des Comptes. Ce dispositif, qui vise à dégager 13 milliards d'euros d'économies d'ici 2022, doit s'appliquer aux 322 plus grosses collectivités, qui ont jusqu'au 30 juin pour officialiser leur engagement. Mais beaucoup y sont hostiles, craignant une remise en cause de leur autonomie.

Le rapport CAP 22 se fait attendre

Autre fragilité pointée par les magistrats financiers: le "manque de documentation" sur les économies prévues par l'exécutif, pourtant "nécessaires" pour atteindre les objectifs fixés dans le programme de stabilité.

Le gouvernement a mis en place à l'automne un comité d'experts, baptisé CAP 22 (Comité action publique 2022), pour l'aider à trouver des pistes d'économie et à revoir en profondeur le mode d'intervention de la puissance publique.

Mais le rapport rédigé par ce comité, annoncé initialement pour fin mars, n'a toujours pas été rendu public, "et le gouvernement n'a pas fait connaître les suites qu'il entendait" lui "réserver", rappellent les magistrats financiers.

J.-C.C. avec AFP