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Désertification des villes : pourquoi il faut relativiser

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Selon le baromètre 2018 d'Arthur Loyd, les petites agglomérations ont créé pour la première fois depuis 2010 plus davantage d'emplois dans le secteur privé que les grandes. Il n'y a pas de fatalité de la désertification dans ces zones.

Les petites villes et les territoires ruraux sont-ils voués à une inexorable désertification. La réponse apportée par les statistiques est plus nuancée. D’abord de quelle proportion du territoire et de quelle proportion de la population parle-t-on ? 

Aujourd’hui, 60% des habitants vivent dans les grandes villes, qui occupent 7% du territoire. Autour des grandes métropoles, Il y a ensuite les pôles périurbains, ces zones habitées qui s’étendent au-delà des banlieues. Elles regroupent 13% de la population sur 17% du territoire. Dans les petites villes résidentielles, souvent situées entre deux grandes villes, qui occupent 5% du territoire, logent 3% de la population. Enfin il y a la France rurale, 70% du territoire, dans laquelle n’habite que 23% de la population, soit deux fois moins qu’en 1945.

Dans les petites et les zones rurales, la situation est paradoxale: si l’on en croit l’Insee, les habitants de ces territoires éloignés bénéficient de plus d’artisans, de boulangers, d’épiciers, de taxis, de restaurants, de médecins généralistes que ceux des villes. Si on agrège tous ces services, il y en a même précisément 15% de moins dans les grandes villes que dans les petites pour 100 000 habitants.

Sur ce type de services, qui sont pour la plupart privés même s’ils sont parfois subventionnés, la performance des zones rurales et des villes isolées est même meilleure que celles des grandes villes. Ainsi, entre 2009 et 2016, selon des statistiques de l’U2P, le nombre de boulangers a augmenté de 6%, deux fois plus que dans les grands centre villes. Le nombre de médecins généralistes a reculé de 1% en campagne et dans les villes isolées, de 3% dans les banlieues, de 9% dans les grandes villes. Et les professionnels du juridiques, les maçons, les coiffeurs, sont en hausse de 17 à 32% sur la période.

Pas de fatalité

Mieux : selon le baromètre du cabinet de conseil en immobilier d’entreprise Arthur Loyd, en 2017 et pour la première fois depuis 2010, les petites et moyennes agglomérations ainsi que les métropoles intermédiaires ont créé plus d’emplois en volume que les grandes métropoles et Paris. Mieux les zones périurbaines ont enfin connu une croissance de l’emploi similaire aux pôles urbaines.

Alors ou sont les problèmes ? D’abord, les services de gammes supérieures (médecin spécialiste, urgences médicales, hypermarchés, etc.) sont quatre fois plus nombreux dans les centres urbains qu’en zone rurale, toujours selon l’Insee. Ensuite, dans les territoires peu denses, les gens doivent davantage se déplacer que dans les villes où la population est concentrée. D’où l’hyperdépendance à la voiture et donc l’hypersensibilité aux prix de l’essence. En outre, les services publics, eux, ont bel et bien reculé. Depuis 2005 par exemple, 5000 « vrais » bureaux de poste ont été fermés, pour être remplacés par des points de contact qui n’offrent pas toujours les mêmes services qu’un bureau de poste traditionnel.

Mais il n’y a pas de fatalité. Preuve : les écarts de performance entre petites villes sont spectaculaires : alors que depuis 2009, le nombre de boulangeries, boucheries, épiceries, restaurants, pharmacies, médecins, a chuté de 13 à 20% à Montargis, Fougères, Tarascon, Nemours ou Redon, il a augmenté de 15 à 20% à Agde, Manosque, Coulommiers, Ajaccio ou Bourgoin Jallieu.