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Economie et Social

Diesel : les constructeurs passent à la caisse

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Les constructeurs automobiles acceptent de financer une partie de la « prime de conversion » pour un véhicule neuf

C’est la parade du gouvernement face à la polémique sur la taxe carbone : changez de voiture ! Alors que menace une manifestation le 17 novembre, avec un mouvement citoyen, relayé par la plateforme Change.org, qui envisage de bloquer les autoroutes pour demander une baisse des taxes sur les carburants, le gouvernement va finir dans les prochaines heures de mettre en place une « prime à la conversion » abondée par les constructeurs, pour encourager à l’achat d’un véhicule moins gourmand, voire électrique.

Les contours en sont encore flous à ce stade, mais Bruno Le Maire peut déjà annoncer dans le Parisien qu’il demandera « aux constructeurs automobiles de participer à la prime, elle devra être plus efficace et toucher plus de français ». Cette prime reste pour l’instant limitée à 1000 ou 2000€ en fonction des revenus des ménages, elle peut même monter à 2500€ pour l’achat d’un véhicule électrique. C’est à la fois trop et trop peu. Trop pour les finances publiques, qui sont en ce moment débordées par la demande : plus de 70.000 personnes attendent depuis quatre mois le versement de leur prime, parce que l’agence en charge du versement ne dispose pas des fonds nécessaires. 500.000 primes étaient envisagées sur l’ensemble du quinquennat, 250.000 sont déjà déclarées en quelques mois à peine. Bercy pensait contenir la dépense à quelques centaines de millions d’Euros, et pourrait finalement se retrouver avec plus d’1 milliard à payer.

Mais c’est en même temps trop peu pour calmer ceux qui se révoltent contre les prix des carburants, le récent recalibrage de la prime vers les ménages les plus modestes n’ayant visiblement eu aucun effet sur les mouvements de protestation

« garder son cap »

Le gouvernement n’a pas l’intention de revenir en arrière sur la taxe carbone : « une bonne politique c’est de garder son cap » dit Bruno Le Maire, « nous ne ferons pas de retour en arrière », et l’on maintient donc une hausse prévue de 6 centimes par litre de Diesel et de 3 centimes par litre d’essence de la taxe carbone. Dans ces conditions il ne reste qu’à mettre les constructeurs à contribution. C’est déjà le cas avec un durcissement du malus sur les plus grosses cylindrées (les constructeurs devront arbitrer entre une répercussion intégrale sur les prix des véhicules ou une réduction de leurs marges) qui doit permettre de dégager 40 millions d’Euros supplémentaires pour un total porté à 610 millions l’an prochain.

Mais cela sera sans doute amplifié dans des conditions qui restent donc à définir, et qui ne seront pas trop douloureuses pour les constructeurs. Beaucoup d’entre eux ont déjà de telles réductions commerciales dans leur arsenal de vente, il suffira de les convertir en « prime gouvernementale » pour faire plaisir au gouvernement et lui permettre d’affirmer qu’il « entend la colère des français ».

Le marché reste porteur (Renault a relevé ses prévisions à 4% de hausse sur l’année 2018) et une telle prime vient peut-être un peu tôt pour contrer le retournement cyclique, mais Emmanuel Macron, en recevant début octobre les dirigeants de l’automobile mondiale, avait mis dans la balance le poids de la France dans les négociations européennes sur les nouvelles normes d’émission de CO2. En gros, sortez le carnet de chèque, et nous ferons en sorte de limiter à 30% (au lieu de 40%) les efforts de réduction de CO2 exigés par Bruxelles (un deal comparable est d’ailleurs en discussion en Allemagne). Le gouvernement veut aussi se défendre en mettant en avant la hausse des prix du pétrole, « sur 20 centimes d’augmentation depuis un an, plus de 16 centimes résultent de l’augmentation du prix du baril » dit encore Bruno Le Maire. Il sait visiblement que cet argument ne porte plus.