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EXCLUSIF - Dispositif Pinel : le recentrage risque encore de faire des perdants

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BFM Business et Le Laboratoire de l'Immobilier, spécialiste du marché du logement neuf, ont passé à la loupe le dispositif Pinel. Une étude exclusive qui tend à démontrer l'incohérence du zonage actuel.

Depuis le 1er janvier, le Pinel, le dispositif fiscal d'aide à l'investissement dans le neuf, a été recentré sur les zones les plus tendues. Exit donc les zones B2 et C. L'objectif de ce recentrage est de mieux protéger les investisseurs des villes les moins attractives. Sauf que même avec ce recentrage, il va falloir rester très vigilant. BFM Business et Le Laboratoire de l'Immobilier vous donnent quelques clés.

Un zonage inadapté

Le zonage, c'est tout le problème du dispositif Pinel et de ses prédécesseurs. Aujourd'hui le découpage fixe seulement cinq zones différentes pour organiser pourtant des dizaines voire des centaines de réalités immobilières différentes.

Rappelons que pour bénéficier de l'avantage fiscal, l'investisseur doit trouver un locataire dans les douze mois suivant la livraison du bien. Autrement dit, pas de locataire, pas de Pinel. D'où l'intérêt d'investir là où il existe une demande locative solide. C'est donc pour éviter quelques déconvenues, que le gouvernement a décidé de recentrer le dispositif sur les zones les plus tendues. Là où globalement l'offre locative ne suffit pas à répondre à la demande. Encore faudrait-il que le découpage actuel soit cohérent et suffisamment fin. Car en recentrant le Pinel, on a perdu des villes pourtant très attractives et on en a gardé d'autres particulièrement risquées.

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Des villes à éviter mais qui restent éligibles au Pinel

Pour montrer l'incohérence du zonage actuel, BFM Business et Le Laboratoire de l'Immobilier ont d'abord sélectionné cinq villes qui, malgré le recentrage du dispositif, restent éligibles alors qu'elles sont particulièrement risquées. (Retrouvez ces villes plus en détail mardi sur notre site).

Toutes ces villes affichent un taux de vacance quasiment deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Une poignée d'entre elles se trouvent dans le même secteur. Lens, Douai et Béthune, trois villes des Hauts-de-France, dont certaines, preuve d'un manque certain d'attractivité, se battent pour garder leurs dessertes TGV. Mulhouse dans le Grand-Est et Elbeuf en Normandie complètent notre sélection des villes à éviter pour investir en Pinel. Deux villes qui elles aussi affichent un taux de vacance extrêmement élevé. 

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Des villes au fort potentiel mais exclues du Pinel 

BFM Business et Le Laboratoire de l'Immobilier ont également sélectionné cinq villes qui sont sorties du dispositif Pinel cette année. Cinq villes en zone B2 qui ont pourtant toutes les qualités requises pour faire un investissement en Pinel. (Retrouvez ces villes plus en détail mardi sur notre site).

Angers par exemple. Cette ville étudiante à moins de deux heures de Paris, multiplie les distinctions et les projets immobiliers innovants. Ici d'ailleurs le taux de vacance est inférieur à la moyenne nationale. Tout comme à La Roche-sur-Yon qui est aussi sortie du Pinel. La ville profite pourtant du dynamisme de la Vendée et de ses « vendéopôles », des parcs d'activités qui émaillent le département avec des entreprises de plus en plus nombreuses à venir s'installer. Colmar, Poitiers et Gap font également partie des villes sorties du dispositif fiscal et qui possèdent pourtant elles aussi les atouts suffisants pour y investir.

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Des plafonnements de loyers incohérents

L'autre élément à surveiller et qui prouve encore une fois l'absurdité du zonage actuel : ce sont les plafonds de loyers. Rappelons que le dispositif est censé permettre d'accroître l'offre locative à destination des ménages plutôt modestes. Dans le cadre du Pinel, l'investisseur est donc tenu de limiter le loyer qui sera facturé. Des plafonds sont ainsi définis par l'Etat pour chacune des zones concernées par le dispositif.

De cinq plafonds pour cinq zones, on est donc passé depuis le premier janvier à trois plafonds pour trois zones. L'idée étant que ces « loyers Pinel » soient à peu près équivalents à ceux du logement intermédiaire soit environ 20% en dessous des loyers de marché. Or au sein d'une même zone, il y a évidemment des variations spectaculaires sur les loyers libres. Ils peuvent passer du simple au double alors que les « plafonds Pinel » restent les mêmes. Résultat, on constate des loyers encadrés trop proches et même parfois supérieurs à ceux du marché local. Et on trouve à l'inverse des « plafonds Pinel » beaucoup trop faibles. « En l'absence d'un zonage cohérent, il faudrait déjà peut-être pouvoir ajuster les loyers Pinel aux spécificités locales », estime Franck Vignaud, le directeur du Laboratoire de l'Immobilier.

Les « loyers Pinel » trop élevés

Lorsque les « plafonds Pinel » sont trop proches voire supérieurs aux loyers de marché, il y a deux effets pervers : d'abord le risque inflationniste sur les loyers non encadrés et de nouveau la possibilité pour l'investisseur de ne pas trouver de locataire qui ont tout intérêt à rester dans le « marché libre ».

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Les « loyers Pinel » trop bas 

Lorsque les « plafonds Pinel » sont beaucoup trop faibles par rapport aux loyers de marché c'est le rendement locatif qui n'est plus au rendez-vous. L'investisseur risque donc de perdre de l'argent malgré l'avantage fiscal du dispositif.

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Une révision du zonage évoquée mais vite oubliée...

Avec ces quelques exemples, on voit bien la nécessité d'affiner le zonage actuel pour éviter de reproduire les erreurs du passé. Tous les observateurs se rappellent ainsi des fameux « Robien de la Colère » au début des années 2000 avec des promoteurs qui avaient à ce point construit, qu'ils avaient saturé quelques villes moyennes. A l'époque beaucoup d'investisseurs se sont retrouvés propriétaires sans locataire, privés de la ristourne fiscale et obligés de revendre à perte le bien à peine acheté.

Pour partir sur des bases plus saines, l'actuel gouvernement avait lancé dès la préparation du budget 2018 l'idée d'une réforme du zonage. Voici ce qu'on peut encore lire à l'article 68 de la loi de finances de l'an dernier : « Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er septembre 2018 un rapport d'évaluation des zones géographiques établies pour déterminer l'éligibilité au dispositif prévu à l'article 199 novovicies du code général des impôts, (Dispositif Pinel) notamment afin d'apprécier la pertinence des critères retenus ». Nous sommes en avril 2019. Force est de constater que les choses n'ont pas vraiment avancé alors même que le législateur avait bien conscience du problème : « Le zonage retenu fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques non seulement concernant la pertinence des critères retenus mais aussi concernant l’hétérogénéité du classement entre des communes qui semblent pour autant très similaires », peut-on aussi lire dans l'exposé des motifs.

En attendant la réforme nécessaire du zonage, charge donc aux investisseurs de rester extrêmement vigilants et de ne jamais oublier les trois critères essentiels en immobilier : l'emplacement, l'emplacement et l'emplacement. 

Marie Coeurderoy