Faut-il enfin instaurer une taxe sur les transactions financières ?
Nicolas Sarkozy et Barack Obama en ont parlé hier jeudi, lors du Sommet du G20 à Cannes; Angela Merkel l'a aussi évoqué: l'idée d'une taxe sur les transactions financières (appelée couramment taxe Tobin) fait son chemin. Le chef de l'Etat français a réaffirmé que l'instauration d'une telle taxe est « techniquement possible, financièrement indispensable et moralement incontournable ». Le duo Paris/Berlin défend bec et ongles la proposition. Pourtant, elle est ardemment critiquée par d'autres pays du G20, dont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
Dans son rapport sur le développement remis hier au G20, le milliardaire Bill Gates, fondateur de Microsoft, appelle à une mobilisation plus forte des pays les plus riches, malgré les difficultés budgétaires, et plaide pour cette taxe, qui selon lui, rapporterait entre 70 et 180 milliards d'euros par an.
« On craint de voir beaucoup d’activités quitter la zone euro »
Cette taxe va-t-elle permettre de dissuader les spéculateurs ? « Sur les petites transactions, oui, répond l’économiste Alexandre Delaigue, auteur du blog éconoclaste, avant de souligner : « Les grosses attaques spéculatives ne seront absolument pas dissuadées par cette taxe ».
Et si cette taxe doit rapporter de l'argent, elle « représente aussi beaucoup de coûts pour l’économie dans son ensemble, ajoute Alexandre Delaigue : on estime une perte de PIB d’environ 200 milliards d’euros. Parce qu’on craint de voir beaucoup d’activités – notamment trading, produits dérivés des banques –, quitter la zone euro, pour aller s’installer dans des endroits plus indulgents en terme de fiscalité ».
« Un argument de mauvaise foi »
Nicolas Sarkozy a par ailleurs confirmé hier sa volonté de constituer un « groupe de pays leader » pour la mise en œuvre d'une taxe sur les transactions financières, même s'il a reconnu que certains pays du G20 y restaient fermement opposés. Si la seule zone euro applique cette taxe, est-ce viable ? L’économiste et statisticien français Thomas Coutrot est co-président d'Attac. L'organisation altermondialiste, depuis sa création, fait l'éloge de la taxe Tobin : « Il y a déjà des taxes sur les transactions financières en Grande-Bretagne, au Japon, en Australie… Donc bien sûr c’est possible à un niveau européen. Mais l’argument de dire que ça n’est possible que si tout le monde le fait, a toujours été un argument de mauvaise foi ».