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Finances publiques

Le FMI décerne bons et mauvais points à la France

Christine Lagarde, directrice générale du FMI

Christine Lagarde, directrice générale du FMI - -

Le rapport du FMI sur l'économie française, publié le 5 août, est un cadeau empoisonné pour l'exécutif. Il relativise l'urgence de réduction des déficits mais réclame une baisse des prélèvements et des réformes de structures qui ne sont toujours pas engagées.

Le Fonds monétaire international a rendu public, lundi 5 août, son rapport sur l’économie française. Un rapport en forme de cadeau empoisonné pour François Hollande.

Un cadeau parce qu’il relativise l’urgence de réduire les déficits publics au rythme qu’avait annoncé Bercy. Le ministère des Finances cherche quelque 12 milliards d’euros de mesures de prélèvements : 6 milliards pour compenser les moindres recettes générées par certains impôts, et 6 autres milliards pour réduire le déficit public, soit 0,3 point de PIB. L’institution dirigée par Christine Lagarde recommande de renoncer à ce dernier ajustement.

Un cadeau aussi parce qu’il table sur une hypothèse de croissance relativement optimiste : 0,8% en 2014. C’est vrai, l’environnement économique international s’améliore. La reprise est lente mais robuste aux Etats-Unis, il n’y aura pas de durcissement violent des politiques monétaires et budgétaires, certains pays en crise sortent la tête de l’eau, comme l’Espagne ou le Royaume-Uni.

Mais le FMI surestime sans doute la capacité de la France en général et des entreprises françaises en particulier à profiter de ce légère réchauffement.

Trop d'impôt tue l'impôt

Pour le reste, le rapport du FMI distribue plus de mauvais points que de bons. Attention, selon les experts de Washington: il faut absolument que la réduction des déficits passe par la baisse des dépenses publiques plus que par les hausses d’impôts.

Deux raisons à cela. La première, c’est que le taux de prélèvements obligatoires atteint la limite du supportable, à 46,5 % de PIB en 2014. Et certains impôts, dont le niveau a été augmenté, rapportent même moins qu’avant : c’est le célèbre adage « trop d’impôt tue l’impôt » ! Quand un impôt taxe une activité trop lourdement, les contribuables sont découragés de travailler et préfèrent renoncer à cette activité, ce qui est mauvais pour la croissance et les rentrées fiscales.

La deuxième, c’est que la France gaspille aujourd’hui beaucoup d’argent public et doit faire des réformes pour avoir une administration moins coûteuse et plus efficace : la preuve : la France dépense en moyenne chaque année plus de 100 milliards d’euros que ses voisins pour des services publics qui ne sont pas plus efficaces qu’en Allemagne ou en Italie. Un exemple : plus de 500 collectivités territoriales par million d’habitant : 150 en Allemagne 10 au Royaume Uni.

Réforme des retraites

Or, à part la réforme des retraites, bien engagée, on ne voit pas se dessiner de réformes de la dépense publique et de l’organisation de l’Etat à la hauteur de ce que recommande le FMI (comme l’OCDE et la Commission européenne). Rien non plus ne semble se dessiner du côté des réformes structurelles d’envergure visant à rendre plus de souplesse à l’économie française (assouplissement du marché du travail, ouverture à la concurrence de secteurs protégés…).

Que se passera-t-il si la France ne suit pas ces recommandations ? La croissance ne repartira pas : si on ne baisse pas la dépense aujourd’hui, cela veut dire qu’on ne baissera pas les impôts demain et qu’on ne remettra pas à la disposition des ménages et des entreprises de l’argent pour investir et consommer.

La France va perdre du terrain sur des pays qui ont fait beaucoup d’efforts pour redevenir compétitifs comme l’Espagne. Les investisseurs internationaux demanderont des taux d’intérêt plus élevés à la France, ce qui sera un obstacle à la croissance.

Le gouvernement a le choix entre le cercle vertueux et le cercle vicieux. Mais amorcer le cercle vertueux demande plus de courage politique que de laisser filer le cercle vicieux.

Emmanuel Lechypre