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La France a fort à faire pour conserver sa note AAA

La France a fort à faire pour conserver la note AAA de sa dette souveraine qui lui permet de financer ses déficits à un coût minime et d'éviter les attaques actuellement subies par la Grèce, le Portugal et l'Espagne. /Photo d'archives/REUTERS/Jacky Naegel

La France a fort à faire pour conserver la note AAA de sa dette souveraine qui lui permet de financer ses déficits à un coût minime et d'éviter les attaques actuellement subies par la Grèce, le Portugal et l'Espagne. /Photo d'archives/REUTERS/Jacky Naegel - -

par Jean-Baptiste Vey PARIS - La France a fort à faire pour conserver la note AAA de sa dette souveraine qui lui permet de financer ses déficits à un...

par Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - La France a fort à faire pour conserver la note AAA de sa dette souveraine qui lui permet de financer ses déficits à un coût minime et d'éviter les attaques actuellement subies par la Grèce, le Portugal et l'Espagne.

La crise de la zone euro a épargné jusqu'à présent la dette française, dont les conditions de financement restent à peine moins favorables que la référence allemande, et les gouvernants français promettent de réduire les déficits dans une proportion et à une vitesse sans précédent depuis au moins un demi-siècle.

Mais aucune mesure prise jusqu'alors ne permet d'assurer une inflexion de la dynamique d'accroissement de la dette publique, qui fait craindre une hausse de la charge d'intérêt telle que le pays perdrait non seulement son triple A mais risquerait, à plus long terme, de voir la maîtrise de ses finances lui échapper.

"On n'est pas au même point que la Grèce mais on est exactement sur la même trajectoire", estime Nicolas Baverez.

"On est plus gros, on a plus de défenses mais si on continue à faire ce qu'on a fait pendant un quart de siècle, dans les dix ans qui viennent on connaîtra une crise comparable à celle de la Grèce", ajoute cet économiste.

Avec un déficit public équivalent à 7,5% du PIB l'an dernier et une dette à 77,6%, la France est plus proche du Portugal (9,4% et 76,8% contre 13,6% et 115,1% pour la Grèce), mais la détérioration rapide des comptes français et l'absence de mesures décisives pour les redresser nourrissent l'inquiétude, dans un contexte de crainte d'effet domino de la crise grecque.

La chancelière allemande Angela Merkel a ainsi estimé mercredi que l'aide à la Grèce "doit être débloquée pour éviter une réaction en chaîne dans le système international et européen et le risque d'une contagion à d'autres pays membres de l'euro".

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, déclare même que "dans les mois qui viennent, la tâche des Vingt-Sept sera d'éviter la dislocation de la monnaie unique", dans un entretien à paraître jeudi dans le magazine Le Pèlerin.

"EXTRÊME SENSIBILITÉ"

Evoqué par la Cour des comptes en février, le risque d'une dégradation de la note souveraine française suivie d'un emballement de la dette transparaît dans plusieurs études économiques récentes.

Dans un rapport présenté mercredi à la presse, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, classe la France en sixième position des pays de la zone euro dont la situation financière est la plus préoccupante.

La Grèce, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et l'Italie la devancent, mais aucun de ces pays n'est noté AAA. Les trois plus grandes agences de notation notent AAA la dette française, avec perspective stable. Fitch a confirmé cette position le 30 mars.

"On est dans une période d'extrême sensibilité, je redoute que certains sous-estiment cela, et les propos lénifiants qui retardent une prise de conscience indispensable", a dit Philippe Marini à Reuters en marge d'un point de presse.

Selon un document de travail publié en mars par la Banque des règlements internationaux, la France est le grand pays de la zone euro qui devra fournir le plus d'efforts pour ramener sa dette publique à son niveau de 2007.

Pour y parvenir en 20 ans, elle devrait ainsi dégager un excédent primaire (c'est-à-dire hors charge de la dette) de 2,8% du PIB par an en moyenne, contre un déficit primaire estimé à 5,1% en 2011. L'Italie aurait besoin d'un excédent primaire de 2,5%, l'Allemagne de 2,4% et l'Espagne de 1,3%.

L'Observatoire français des conjonctures économiques estimait pour sa part en février que la France mettrait, selon le scénario étudié le plus favorable, 20 ans à retrouver le niveau de dette d'avant la crise.

PÉDAGOGIE GRECQUE ?

A l'inverse, le programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne prévoit que le déficit reviendra à la limite de 3% dès 2013 ou 2014 et que la dette commencera à baisser à ce moment.

"Nous allons, pour la loi de finances 2011, être exemplaires", a promis mercredi le ministre du Budget, François Baroin. "Nous avons dans les trois, quatre années qui viennent, un devoir de maîtrise, d'inflexion", a-t-il ajouté.

Le gouvernement devrait dévoiler des mesures d'économie le 20 mai lors d'une nouvelle phase de la conférence sur le déficit, et soumettre au Parlement une réforme visant à juguler les déficits des régimes de retraite en septembre.

Mais jusqu'ici, la France n'a tenu aucun de ses programmes de stabilité depuis la création de l'euro.

"Si l'on estime pouvoir continuer ainsi, on prend un risque énorme, systémique", a dit Philippe Marini.

Pour le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, "la pédagogie grecque va faire son oeuvre".

"Le cas grec est riche d'enseignements et doit nous permettre de franchir une étape qualitative décisive", a-t-il poursuivi lors d'un point de presse avec Philippe Marini.

L'exemple grec semble en tout cas avoir marqué les Français, dont 75% pensent que la France pourrait connaître une situation de crise comparable à celle de la Grèce, selon un sondage BVA.

"L'homme de la rue est plus sensible à ce qui se passe en Grèce que certains membres du gouvernement", regrette un des meilleurs experts de la majorité, sous couvert de l'anonymat.

Pour Charles de Courson, un des vice-présidents de la commission des finances de l'Assemblée nationale, "la grande révolution culturelle est devant nous en matière de finances publiques".

"Il faut expliquer que si on veut maintenir la démocratie dans ce pays, il ne faut distribuer des droits que dans la mesure où on les a financés", a-t-il dit mardi à des journalistes. "Le projet de société, c'est de sauver la démocratie. Et pour sauver la démocratie, il faut réduire le déficit public", a-t-il ajouté.

Avec la contribution d'Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse