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Finances publiques

France Offshore, l'enquête sur "l'évasion fiscale en kit"

Parmi les clients de France Offshore, des petites sociétés informatiques ou encore un coiffeur.

Parmi les clients de France Offshore, des petites sociétés informatiques ou encore un coiffeur. - -

Cette entreprise est soupçonnée d'avoir permis à des centaines PME de ne pas déclarer au fisc 300 millions d'euros, via de nombreuses sociétés-écrans, selon une enquête de l'AFP ce samedi 12 juillet.

L'optimisation fiscale pour tous, tel était le credo de la société France Offshore pour séduire les petits patrons. Son dirigeant et une banque lettone, soumise à une caution record de 20 millions d'euros, sont aujourd'hui au coeur d'une vaste enquête pour fraude fiscale.

Alors que les investigations ne sont pas terminées, France Offshore est soupçonnée d'avoir permis à des centaines de PME de soustraire aux radars du fisc plus de 300 millions d'euros, au travers d'une nébuleuse de sociétés-écrans.

La banque lettone Rietumu, soupçonnée d'avoir hébergé les fonds, avait été mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale en bande organisée en décembre 2012. Après avoir récupéré via la justice lettone une montagne de données sur ces comptes, le juge d'instruction du pôle financier de Paris Guillaume Daïeff a imposé à la banque une caution de 20 millions d'euros. Ce qu'a confirmé le 2 juillet la cour d'appel de Paris, selon une source judiciaire.

Un coiffeur comme client

France Offshore avait pignon sur rue, et selon une source proche du dossier, ne proposait rien d'autre que de "l'évasion fiscale en kit", des solutions adaptées à chacun.

En témoigne la variété de ses clients: un chasseur de têtes, une entreprise faisant de l'import-export avec la Chine, un coiffeur, des petites sociétés informatiques, énumère une source proche de l'enquête, qui décrit ce dossier comme "l'affaire de la fraude fiscale de Monsieur tout le monde".

Des fausses facturations pour échapper au fisc

C'est d'un contrôle fiscal en octobre 2008 chez France Offshore que sont nés les soupçons qui ont entraîné trois ans plus tard l'ouverture d'une information judiciaire sur des faits présumés allant de 2007 à 2011.

Selon la source proche du dossier, l'un des montages proposés permettait aux entreprises de sortir de leur bilan une partie de leur chiffre d'affaires, au moyen de fausses facturations réalisées par les sociétés créées par France Offshore. Ces fonds, qui échappaient à l'impôt français, étaient transférés à la Rietumu sur des comptes ouverts au nom des sociétés offshore. Les PME françaises récupéraient une carte bleue de la Rietumu.

Les investigations sur commission rogatoire internationale en Lettonie ont déjà permis d'identifier au sein de la banque 314 comptes de clients de France Offshore, selon la source proche du dossier. Des dizaines d'autres sont en cours d'identification.

14 personnes mises en examen

Une des particularités de ce dossier est l'implication présumée d'une banque de l'Union européenne dans ce montage, ce qui explique le montant de la caution.

"Le système bancaire ne fonctionne que parce qu'il repose sur la confiance des dépositaires et des autres opérateurs", explique Ulrika Delaunay-Weiss, magistrate au parquet national financier, dont une des priorités, depuis sa création en février, est la lutte contre la fraude fiscale.

"A partir du moment où une banque a un comportement en marge des règles fixées par les Etats et participe à une fraude organisée visant à faire échec à la collecte de l'impôt ou à la lutte contre la blanchiment, c'est toute la société qui se trouve profondément déséquilibrée", a-t-elle ajouté, tout en rappelant que l'ensemble des personnes mises en examen sont présumées innocentes.

Contactés, la banque Rietumu n'a pas souhaité faire de commentaires.

A ce stade, 14 personnes ont été mises en examen dans l'enquête, dont la banque Rietumu en qualité de personne morale, deux avocats et plusieurs anciens employés de France Offshore. Les clients, quant à eux, peuvent faire l'objet d'un redressement fiscal ou d'une enquête pénale distincte.

J.M. avec AFP