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Finances publiques

Fraude sociale: comment la traque aux abus va être renforcée  

L'ensemble des prestations sociales sont concernées par le dispositif

L'ensemble des prestations sociales sont concernées par le dispositif - Philippe Huguen - AFP

Pour renforcer la lutte contre la fraude sociale et fiscale, les montants des allocations et prestations sociales vont être automatiquement croisés avec les données du fisc. Une mesure qui permettrait de récupérer plusieurs milliards, selon le député UMP à l'origine de l'amendement.

La lutte contre la fraude s'intensifie. Le projet de Budget de la Sécu pour 2015, qui doit être voté ce mardi 28 octobre par les députés, contient ainsi une mesure forte pour mieux détecter les fraudeurs aux prestations sociales, via un "fichier géant".

Plus exactement, le député UMP Pierre Morange a déposé un amendement pour automatiser les échanges d'informations sur le montant des prestations sociales et sanitaires entre les différents organismes chargés de les verser. En recoupant ces données avec celle du fisc, les fraudeurs seront ainsi plus facilement repérables. Cet amendement a été voté à l'unanimité par l'Assemblée, la semaine dernière.

De fait, le fichier permettant d'échanger les informations existent déjà: il s'agit du RNCPS (répertoire national commun de la protection sociale). Mais les échanges sur les montants des prestations ne sont pour le moment pas automatiques. 

Amplifier la lutte contre la fraude fiscale

En corrigeant la donne "nous allons améliorer et amplifier le rendement de la lutte contre la fraude sociale mais aussi fiscale, les deux étant liés", souligne Pierre Morange.

Derrière cette mesure technique qui doit entrer en vigueur en 2016, de très nombreuses prestations sont concernées: APL, RSA, pension de retraites, handicap, dépendance, arrêts de travail… "Il s'agit d'être sûr que l'argent des Français est bien utilisé", résume Pierre Morange

Comment ces croisements de données permettent concrètement de lutter contre la fraude? Le député UMP donne trois exemples. "Dans le cas des APL, l'exemple le plus classique c'est une personne qui déclare vivre seule avec des enfants alors qu'en fait il y a un concubinage. Par exemple dans le cas des familles recomposées".

En recoupant les montants des prestations sociales avec certaines déclarations (quittance de loyer, coordonnées bancaires, paiements d'assurance) et les données du fisc, la situation réelle du couple sera révélée et l'addition des revenus permettra de remettre éventuellement en cause le montant des APL.

Les "cohortes de fraudeurs potentiels"

Autre exemple, les personnes vivant de "l'économie grise", c'est-à-dire les trafics. "Certaines de ces personnes touchent des prestations sociales alors qu'elles ont une richesse officieuse définie par des signes extérieurs de richesse (une voiture de luxe, par exemple ndlr)", explique Pierre Morange. Là aussi, le croisement entre les montants de prestations sociales et les données du fisc, doivent permettre d'affiner l'identification des "cohortes de fraudeurs potentiels", indique le député UMP.

Dernier exemple, concernant cette fois les entreprises. "Des mafias informatiques créent de toutes pièces des sociétés avec des employés fictifs, organisent un licenciement économique artificiel et perçoivent ensuite des indemnités lors de la liquidation judiciaire", notamment pour les salariés licenciés, détaille Pierre Morange. En croisant les données de Pôle Emploi, le montant des prestations sanitaires et les informations du fisc, ce type de situation sera plus facilement identifiable.

"Récupérer plusieurs milliards"

S'il n'a pas effectué d'estimation exacte, Pierre Morange explique que sa mesure "peut permettre de récupérer plusieurs milliards". Surtout, le croisement automatique des montants des prestations sociales doit améliorer le recouvrement. "On a beaucoup amélioré la détection de la fraude sociale, puisqu'on recense actuellement un montant de 500 à 600 millions d'euros, contre 100 millions d'euros, il y a six ans. Mais sur ces sommes dépistées, le taux de recouvrement n'est que de 10 à 15%".

L'élu estime qu'avec sa mesure, ce taux va nettement augmenter. Et il prévient: "j'ai l'intention de m'acharner dans les administrations pour m'assurer que l'opération soit respectée dans les faits".

Julien Marion