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Garde nationale: le modèle américain est-il transposable en France?

En janvier dernier, Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte, évoquait déjà la création d'une troupe de volontaires de 18 à 40 ans.

En janvier dernier, Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte, évoquait déjà la création d'une troupe de volontaires de 18 à 40 ans. - Joël Robine - AFP

Les attentats mobilisent toutes les forces de l'ordre. La création d'une garde nationale, comme aux États-Unis, est envisagée par le chef de l'État. Avons-nous les moyens de nous inspirer de ce modèle?

Depuis les attentats de janvier, les forces de l’ordre, qu’elles soient policières ou militaires, sont au maximum de leurs possibilités dans la lutte contre le terrorisme. Et comme l’a rappelé ce week-end Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, "toutes nos forces de sécurité sont mobilisées."

Ce lundi, dans son discours au Congrès, le président de la République a confirmé son intention d'utiliser le "vivier" des réservistes pour créer une garde nationale en plus des 5.000 postes supplémentaires de policiers et gendarmes. Pour François Hollande, "les réservistes constituent des éléments qui peuvent, demain, former une garde nationale encadrée et disponible".

Le message est clair: s’il faut plus de monde pour protéger le pays, il faudra faire appel à d’autres moyens. Pour plusieurs personnalités politiques, Jean-Christophe Lagarde (UDI) ou Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) entre autres, la création de cette garde nationale doit être étudiée de près.

Cette force constituée de citoyens a existé en France de 1799 à 1871. Elle a compté jusqu’à 500.000 hommes lors de la Commune. Plus d'un siècle après son extinction, son retour est désormais envisagé par le chef de l'État.

Un quart de la population concerné

"Nous n’avons pas les moyens de surveiller et de sécuriser l’ensemble du territoire national, des lieux de transports, des lieux publics, nous lui avons suggéré que, comme cela s’est déjà fait dans notre Histoire et dans d’autres pays, qu’on puisse créer une garde nationale qui permette aux citoyens de venir relayer les forces de l’ordre, équipée, entraînée, formée, encadrée", a déclaré le patron de l’UDI après son entrevue avec le chef de l’État.

Ce n’est pas la première fois que l’idée est avancée. Après les attentats de janvier, plusieurs personnalités politiques proposaient déjà de rétablir cette force qui, pour Jacques Myard, député-maire (LR) de Maisons-Laffitte, serait plus efficace qu’un retour du service national.

La proposition est également faite par François Bayrou, président du Modem, qui, en avril dernier, proposait déjà de s’inspirer du modèle américain.

Reste à savoir combien de personnes (hommes ou femmes) seraient concernées. Dans ses propositions, Jacques Myard évoquait une troupe constituée de volontaires de 18 à 40 ans. Un quart de la population française (hommes et femmes) serait potentiellement concernée - selon les statistiques de l’Insee - qu'il faudra équiper, nourrir, loger. En France, le coût moyen d'un soldat est d'environ 33.000 euros brut par an et le budget de la défense reste limité.

Difficile de chiffrer le budget nécessaire pour lancer cette formation. D'ailleurs, personne n’ose vraiment tenter le calcul, peut-être par crainte de constater que le prix de cette force est au-dessus de nos moyens. En tous cas, aucun des responsables contactés n'a accepté d'aborder le sujet.

Aux États-Unis, c'est une véritable armée

Aux États-Unis, la Garde nationale est une armée à part entière. Elle représente un effectif d’environ 360.000 personnes (en plus de 800.000 réservistes) qui peuvent être mobilisées sur ordre du gouverneur de l'État concerné pour des émeutes ou des catastrophes naturelles.

Mais ses missions ne se limitent pas au maintien de l’ordre dans les frontières du pays. Ces unités, qui disposent des mêmes équipements que les unités professionnelles, sont régulièrement engagées dans des opérations extérieures (Irak, Afghanistan). Ainsi, comme dans les unités d’actives, la garde nationale américaine, qui se compose de 8 divisions et d'une cinquantaine de brigades, est interarmes (infanterie, cavalerie et aviation) et dispose d’équipements lourds (blindés, hélicoptères de combat…).

Pour effectuer ces missions, le gouvernement américain ne lésine pas. Il octroie à ces unités 10% du budget de la défense, soit plus de 60 milliards de dollars annuels. Pour avoir une force de cette dimension, la France devrait ainsi dépenser plus de 6 milliards d’euros, soit 10% du budget de la défense.

Mais pour ce montant, la Garde nationale américaine apporte une aide bien plus poussée que monter des gardes statiques devant les sites sensibles. Comme ses responsables le précisent, "pour 10% du budget de la défense, nous fournissons 34% du total du personnel militaire et 32% des forces opérationnelles". Une puissance que n’ont même jamais eue les conscrits à l’époque du service militaire.

Mais, même aux États-Unis, le coût de la Garde nationale fait débat. Pour faire face aux restrictions budgétaires, le Pentagone a proposé d'y supprimer 20.000 postes.

Pascal Samama