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Economie et Social

Gilets jaunes: plus de 10 milliards de facture budgétaire

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- - ERIC PIERMONT / AFP

Une facture de 12 à 15 milliards est maintenant envisagée pour les finances publiques.

La première facture à payer c’est celle de la taxe carbone annulée pour l’année 2019, elle représente 4 milliard d’Euros. Le gouvernement a cru un temps pouvoir limiter là la facture, elle sera, en fait, bien plus importante. Car à quelques heures d’une nouvelle intervention d’Emmanuel Macron, les idées se multiplient pour « retisser l’unité nationale ».

Dans le secteur économique, certaines pistes sont plus ou moins coûteuses : Edouard Philippe s’est dit prêt à examiner « toutes les mesures qui permettraient d’augmenter les rémunérations au niveau du SMIC, sans pénaliser excessivement la compétitivité des entreprises », ce qui suppose a priori de jouer sur les charges qui pèsent sur ces salaires, soit encore 350 Euros pour 11% des salariés français.

Bruno Le Maire défend également le versement par les entreprises d’une prime de fin d’année aux salariés. Cette prime serait totalement exonérée de cotisations sociales et salariales (sauf CSG et CRDS), elle serait plafonnée, et ne serait pas comptabilisée dans l’impôt sur le revenu pour ceux qui y sont redevables. Si des employeurs devaient l'utiliser à la place d’une prime qu’ils avaient de toute façon l’intention de verser, le manque à gagner pour l’État pourrait vite être important, explique un spécialiste budgétaire.

Sur la table aussi : les heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales, censées voir le jour en octobre prochain, elles pourraient être avancées. Un décalage de 3 mois par exemple, et le surcoût serait alors de 600 millions d’euros (en année pleine, cette mesure coûte 2 milliards d’euros).

Autre geste à l’étude : accélérer les hausses prévues sur la Prime d’Activité. Il s’agit d’une promesse de campagne : elle est censée augmenter progressivement jusqu’en 2021. A l’arrivée, une personne au SMIC gagnera 80 euros de plus par mois. L’idée serait donc de resserrer ce calendrier. Ajoutons que pour calmer les retraités, très nombreux sur les ronds-points, et ne pas totalement se déjuger en annulant la hausse de la CSG, le gouvernement pourrait avancer sur la piste d’une hausse du minimum vieillesse.

Enfin, le gros morceau : la taxe d’habitation, dont la suppression totale pour 80% des contribuables est prévue en 2020. Si la disparition de la taxe intervenait dès l’année prochaine, la facture s’alourdirait alors de 3 milliards d’euros.

Une croissance fragilisée

Toutes ces mesures ne sont que des pistes à l’étude, mais si l’exécutif veut envoyer de nouveaux signaux forts en faveur du pouvoir d’achat à l’issue de la concertation, l’impact budgétaire risque d’être considérable. D’autant que la prévision de croissance de 1,7% inscrite dans le budget 2019, est de plus en plus fragilisée.

De nombreux économistes tablent désormais sur 1,5%. Si tel était le cas, le manque à gagner pour les recettes de l’État serait de 1 milliard d’euros. En quelques semaines, c’est donc un choc de plusieurs milliards d’euros qui vient chambouler toute l’architecture du budget 2019. Pour absorber un tel choc, les entreprises pourraient être mises à contribution (sur les bas salaires, les primes de fin d’année, ou la prime mobilité). Le rapporteur du budget à l’Assemblée Joël Giraud (LREM) propose lui une contribution des très grandes entreprises pour compenser le manque à gagner de la suppression des hausses des taxes énergétiques.

La mesure la plus radicale consisterait à repousser d’un an la bascule du CICE en baisse de charges. Cela dégagerait 20 milliards d’euros au budget de l’État. Le déficit serait non plus à 2,8%, mais 1,9% du PIB. Une piste que le ministère du travail écarte pour l’instant : « la trésorerie des entreprises va être soumise à rude épreuve, elle est déjà fragile, il n’est pas question de risquer des défaillance en série », car cette bascule de CICE en baisse de charges, est effectivement, pour l’année 2019, un afflux de trésorerie que beaucoup d’entreprises n’ont pas encore anticipé (86% d’entre elles ne comptent « rien en faire », selon une enquête BPI France), mais qui sera salutaire à l’heure des comptes en février.

D’ailleurs, dans la facture budgétaire, le gouvernement va évidemment devoir prendre en compte l’ensemble des facilités fiscales sur les dernières échéances 2018 accordées dores et déjà aux entreprises en difficulté du fait de la crise des gilets jaunes. C’est donc Bruxelles qui détiendra une grande partie de la solution. La crise est telle que le gouvernement pourrait se tourner vers l’exécutif européen pour demander une nouvelle dérogation au pacte de stabilité. Il faudrait alors reprendre les termes de Mattéo Salvini : « dans les circonstances actuelles, les décimales n’ont plus d’importance »