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La grogne de la gendarmerie relayée sur internet

La grogne des gendarmes a trouvé un relais sur internet, où le site "Gendarmes et citoyens" se fait l'écho des soutiens apportés au chef d'escadron Jean-Hugues Matelly, récemment radié par décret présidentiel. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

La grogne des gendarmes a trouvé un relais sur internet, où le site "Gendarmes et citoyens" se fait l'écho des soutiens apportés au chef d'escadron Jean-Hugues Matelly, récemment radié par décret présidentiel. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau - -

PARIS - La grogne des gendarmes a trouvé un relais sur internet, où le site "Gendarmes et citoyens" se fait l'écho des soutiens apportés au chef...

PARIS (Reuters) - La grogne des gendarmes a trouvé un relais sur internet, où le site "Gendarmes et citoyens" se fait l'écho des soutiens apportés au chef d'escadron Jean-Hugues Matelly, récemment radié par décret présidentiel.

Sur le forum consacré à l'affaire, les annonces de la création de comités de soutien, d'appels aux dons ou commentaires déplorant une atteinte à la liberté d'expression se multiplient.

Environ 16.500 membres, gendarmes ou anciens gendarmes, sont enregistrés sur ce site, alors que la gendarmerie compte environ 100.000 militaires.

Jean-Hugues Matelly a été radié des cadres pour avoir critiqué le rapprochement entre la police et la gendarmerie sous l'égide du ministre de l'Intérieur. Il a fait valoir qu'il s'était exprimé en qualité de chercheur au CNRS, sans faire fléchir ses supérieurs.

Le 3 avril, un autre gendarme a été suspendu pour avoir rédigé un poème de soutien à Jean-Hugues Matelly.

Le texte, intitulé 'Il pleut sous nos képis' a été publié par l'Association de défense des droits militaires (Adefdromil) et signé sous un pseudonyme, l'adjudant A.

Les gendarmes, qui sont des militaires, ont une stricte obligation de réserve mais des élus de gauche, associations et spécialistes des questions de sécurité jugent les sanctions totalement disproportionnées.

UN AVERTISSEMENT ?

Sur le site d'analyses et de ressources qu'il anime, le sociologue Laurent Mucchielli estime que l'affaire Matelly "cristallise le malaise de la gendarmerie."

"Même si cet officier (par ailleurs excellemment noté par ses supérieurs) avait déjà reçu un blâme pour une autre publication, la radiation apparaît comme une sanction totalement disproportionnée", écrit-il.

"Les gendarmes l'interprètent comme un avertissement qui leur est lancé collectivement, une façon de tenter de désamorcer leur fréquente hostilité aux réformes en cours", ajoute-t-il.

Outre le rapprochement avec la police, qui suscite une "crise d'identité", les gendarmes craignent la réorganisation des brigades territoriales et la diminution des effectifs. Les jeunes recrues vivent mal de leur côté la vie en vase clos dans les casernes.

Le cas Matelly n'a fait qu'amplifier le malaise.

"Désormais, un gendarme ne pourra plus penser différemment", déplore un intervenant sur le site "Gendarmes et citoyens". Un autre s'indigne d'une "chasse aux sorcières". "On va bientôt revenir comme dans les années 50 aux Etats-Unis où un sénateur américain chassait les communistes".

Une référence à la "chasse aux sorcières" menée par Joseph McCarthy contre des sympathisants communistes présumés.

Sous le pseudonyme "Jo le radio", un intervenant reprend un communiqué de Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, affirmant que "le pouvoir sarkozyste traumatise la gendarmerie française pour mieux la liquider."

"Une décision manifestement excessive, susceptible d'être annulée par le Conseil d'Etat et sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'Homme", dit un autre internaute.

Le Conseil d'Etat a toutefois rejeté le 30 mars le référé-libertés déposé par Jean-Hugues Matelly, estimant qu'il n'y avait pas "d'urgence caractérisée", "quelle que soit la gravité de la sanction" dont il est l'objet.

L'officier perd pourtant son logement puisqu'il n'est plus logé par nécessité de service. Il devra le quitter un mois après sa radiation, c'est-à-dire le 27 avril, selon le blog Secret Défense de Libération.

Gérard Bon, édité par Sophie Louet