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Finances publiques

Guyane: le collectif rejette le plan d'accord gouvernemental

Le collectif de Guyanais demande 2,5 milliards d'euros

Le collectif de Guyanais demande 2,5 milliards d'euros - Jody Amiet - AFP

Ce collectif exige un montant d'aide de 2,5 milliards d'euros, refusant de facto le protocole d'accord de l'exécutif qui est de 1,085 milliard. La ministre des Outre-mer Ericka Bareigts compte néanmoins maintenir ce dernier plan.

La situation reste encore bloquée en Guyane. Le collectif de Guyanais a opposé dimanche une fin de non-recevoir à l'offre du gouvernement de plus d'un milliard d'euros pour trouver une issue au mouvement social, exigeant 2,5 milliards d'euros "tout de suite".

"Nous exigeons 2,5 milliards d'euros tout de suite", a lancé Olivier Goudet, un porte-parole du collectif, depuis le perron de la préfecture à Cayenne, où la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts recevait la délégation. Les centaines de personnes massées en contrebas, dont certaines y avaient passé la journée, ont immédiatement réagi par des cris de joie.

À moins de trois semaines du premier tour de l'élection présidentielle, la ministre, qui devait rentrer dans la soirée à Paris, les avait exhortés plus tôt à rapidement "graver dans le marbre le travail" engrangé "ensemble" après la présentation d'un document en cinq points.

"50 ans de retard"

Ericka Bareigts "fait comme si elle ne savait pas que nous avons 50 ans de retard, qu'on subit, que nous voyons de la misère dans notre pays. Nous allons lui montrer", s'est encore exclamé Olivier Goudet, par ailleurs porte-parole des "500 frères contre la délinquance", un mouvement très populaire dont les membres marchent encagoulés.

"Demain, tous les barrages seront fermés", a-t-il affirmé quelques instants plus tard devant la presse, menaçant ainsi d'un durcissement de la mobilisation.

Le gouvernement compte maintenir son plan d'urgence de 1,085 milliard d'euros annoncé samedi. Il "répond aux préoccupations prioritaires exprimées par les différentes parties prenantes regroupées en collectifs, notamment en ce qui concerne l'éducation, la sécurité, la santé ou la commande publique", selon un communiqué d'Ericka Bareigts.

"Pas encore assez"

Des accords sectoriels ont également été conclus notamment sur "l'économie", "l'agriculture", "le BTP", "les activités minières" ou encore "les communautés amérindiennes et bushninengue", selon la ministre des Outre-mer.

Le ministre de l'Intérieur, Matthias Fekl, déjà reparti pour Paris où François Hollande le recevra lundi matin, avait estimé samedi que "le gouvernement a(vait) entendu les aspirations et les demandes des Guyanais". Il avait listé une série de "décisions fermes et sans appel" et affirmé que les 428 revendications du collectif avaient été "passées en revue, expertisées".

Le message du collectif de Guyanais en colère est "que c'est pas mal, mais que ce n'est pas encore assez", a commenté Mickaël Mansé, autre porte-parole des "500 frères".

"La fusée restera au sol"

Et d'affirmer que "la fusée restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas". Une manifestation a été annoncée dans la foulée mardi à 9H (14H) à Paris) à Kourou, près du site de lancement des fusées Ariane.

"Nous avions obtenu l'essentiel de nos revendications, mais nous avons décidé de rester solidaires", a déclaré pour sa part dimanche le porte-parole du Medef de Guyane, Stéphane Lambert.

Le collectif "Pou La Gwiyann dékolé", qui regroupe les mouvements protestataires, avait aussi demandé samedi "un statut particulier pour la Guyane", déclenchant des vivats des centaines de personnes massées en contrebas de la préfecture.

Davy Rimane, un membre de la délégation, avait affiché la volonté de se débarrasser d'un lien "trop centralisé et vertical avec Paris", qui empêche la Guyane "d'avancer". En 2010, un référendum sur l'autonomie de la Guyane avait débouché sur une large victoire du "non".

Ariane 5 au hangar

Le mouvement social d'ampleur inédite que connaît ce vaste territoire d'Amérique du Sud (83.000 km2) situé à 7.000 km de Paris, est basé sur des revendications sécuritaires, économiques et sociales, ainsi que sur la méfiance face à l'Etat, accusé de sous-investissement depuis des décennies.

Il a ralenti la vie économique et maintient Ariane 5 au hangar.

Le directeur du Cnes/CSG (Centre spatial guyanais), Didier Faivre, avait d'ailleurs annoncé dans un communiqué avoir demandé le renvoi dans l'Hexagone de trois camions-toupies, qui devaient travailler sur le chantier d'Ariane, "afin d'apaiser les tensions générées auprès des transporteurs de Guyane".

Il a aussi déclaré au site Guyaweb que, pour des raisons techniques, Ariane ne pourrait être immédiatement opérationnelle lors de la réouverture du centre spatial et qu'il faudrait "une dizaine de jours" avant un lancement.

Air France a annulé son vol direct de lundi de Paris pour la Guyane en raison de problèmes d'avitaillement en carburant à Cayenne tandis qu'Air Caraïbes proposera un vol dans la matinée.

J.M. avec AFP