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Immobilier : l’effet pervers des taux bas

Nouvelle baisse des taux d'intérêt des crédits immobiliers

Nouvelle baisse des taux d'intérêt des crédits immobiliers - pxhere

La faiblesse des taux d'intérêt immobiliers a aussi des effets pervers. Le taux d'usure, ce taux global que les banques ne peuvent dépasser lorsqu'elles prêtent de l'argent, a lui aussi mécaniquement baissé. À tel point que les ménages les plus fragiles, notamment les seniors, sont de plus en plus nombreux à se voir refuser leur demande de crédit. Explications.

Le mécanisme censé protéger les emprunteurs est en train de se retourner contre eux. Il s'agit de ce qu'on appelle le « taux d'usure », ce taux d'intérêt maximum facturé à ceux qui souscrivent un crédit immobilier. Un taux que les banques ne peuvent légalement dépasser. Un taux créé au départ pour permettre aux ménages, notamment les plus fragiles, de ne pas payer trop cher leur emprunt. Sauf que son mode de calcul en période de taux bas commence à avoir des effets pervers.

Un taux d'usure pas adapté

Pour déterminer ce taux d'usure on regarde le taux effectif global tout compris. C'est à dire avec l'assurance de prêt et les frais de dossier. On établit la moyenne des trois derniers mois et on ajoute un tiers. Un calcul qui intègre donc l'évolution des taux d'intérêt. Autrement dit le taux d'usure baisse à mesure que le taux d'intérêt moyen recule lui aussi. Résultat en ce mois d'avril on frôle les plus bas historiques. Pour les prêts sur 20 ans et plus par exemple, le taux d'usure est désormais de 2,96%.

Source : Vousfinancer.com
Source : Vousfinancer.com © -

Un taux global plafonné à moins de 3% sur 20 ans, sur le papier ça devrait être une bonne nouvelle pour les emprunteurs. Sauf que le taux d'usure prend aussi en compte l'assurance de prêt. Or lorsqu'on franchit certaines bornes d'âges ou lorsqu'on est victime d'éventuels problèmes de santé cette assurance peut très vite augmenter. Si on ajoute tous les frais liés au crédit (frais bancaire ou frais de courtage), même un taux fixe relativement attractif peut ne pas passer. Le courtier Vousfinancer prend l'exemple d'une femme de 48 ans qui a pourtant décroché un taux d'intérêt d'1,90% sur 20 ans. Taux relativement faible donc sauf qu'en ajoutant son assurance emprunteur et le reste des frais de dossier, son taux d'usure, lui, dépasse légèrement les 3%. Au delà du maximum autorisé. La banque ne pourra donc pas valider ce prêt.

Source : Vousfinancer.com
Source : Vousfinancer.com © -

Les courtiers sonnent l'alerte

Ces situations là seront de plus en plus nombreuses à mesure que le taux d'usure baissera. D'où la mobilisation des courtiers sur le sujet ces dernières semaines. Ils proposent par exemple de sortir l'assurance de prêt du calcul. L'enjeu est de ne pas exclure du crédit immobilier des ménages pourtant en capacité d'emprunter. Et puis il y a la perspective d'une remontée des taux d'intérêt. Certes elle ne devrait pas intervenir de si tôt, mais lorsque ce sera le cas, encore plus d'emprunteurs se retrouveront exclus. Et c'est encore le mode de calcul du taux d'usure qui pose problème. « Puisqu'il représente la moyenne des trois derniers mois, expliquent Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, le taux d'usure mettra donc un peu de temps avant de refléter véritablement la hausse des taux d'intérêt ». Hausse qui elle sera directement appliquée à l'emprunteur qui atteindra donc encore plus vite la limite autorisée.

Marie Coeurderoy