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Finances publiques

Impôts: Bercy va lancer sa nouvelle arme anti-fraude fiscale

Bercy teste depuis 6 mois un logiciel de ciblage des fraudes

Bercy teste depuis 6 mois un logiciel de ciblage des fraudes - Thomas Samson-AFP

Le nouveau traitement automatisé de lutte contre la fraude fiscale, testé discrètement depuis avril, devrait être prochainement opérationnel. Le fisc va pouvoir croiser des millions de données concernant les contribuables.

Contribuables attention ! Le fisc va bientôt utiliser une nouvelle arme redoutable de lutte contre la fraude fiscale des particuliers comme des entreprises.

Il s'agit d'un logiciel modélisant les "comportements frauduleux" à partir de l'exploitation automatisée des données de 11 fichiers fiscaux existants. Autant dire des millions de données moulinées par les ordinateurs de Bercy. Une technique basée sur le "data mining" déjà utilisée par les caisses d'allocation familiales pour "cibler" les allocataires présentant des risques de fraude. 500.000 d'entre eux auraient ainsi été repérés.

Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget, a confié aux députés de la commission des finances de l'Assemblée que le gouvernement ferait prochainement des annonces sur le développement de cet outil. Les premières applications concerneraient la fraude à la TVA qui est devenue une priorité pour l'exécutif.

Logiciel testé depuis le printemps

Bercy a discrètement mis en place au printemps dernier une petite cellule dénommée "requête et valorisation" chargée de tester ce nouveau traitement baptisé "ciblage de la fraude et valorisation des requêtes". Après une phase de tests, le nouveau logiciel anti-fraude devrait donc être bientôt utilisé à grande échelle. 

La Commission nationale informatique et liberté (Cnil), a donné son accord au motif qu'il ne s'agirait pas d'un outil de "profiling" permettant d'identifier directement les fraudeurs potentiels. "Les éléments qui seront issus du logiciel n'auront qu'une valeur de signalement parmi d'autres (...) et ne conduiront en aucun cas à une programmation automatique des contrôles", a prévenu la Cnil. 

Gains de productivité à Bercy

En clair, le nouveau logiciel ne devra pas sortir de liste de contribuables à contrôler obligatoirement. Il aura, officiellement du moins, vocation à aider les services fiscaux à choisir les dossiers à vérifier avec les meilleurs chances de dénicher une fraude importante. Faut-il rappeler que le gouvernement attend 900 millions d'euros supplémentaires en 2015 de la lutte contre la fraude pour réduire le déficit de l'Etat. 

Sans le dire ouvertement, l'exécutif espère aussi que ce nouvel outil permettra des gains de productivité, et donc éviter des embauches dans les services fiscaux.  Mais sur ce point, Bercy reste discret, de peur de braquer les syndicats des impôts qui dénoncent régulièrement les suppressions de postes aux Finances. 

Redditometro italien

A vrai dire, notre fisc fait un peu figure de lanterne rouge en matière de ciblage automatisé de la fraude fiscale. C'est ce que rappelait d'ailleurs la Cour des comptes dans un référé d'octobre 2013. L'Italie et la Belgique par exemple, se sont lancés dans cette voie depuis plusieurs années. 

L'Italie s'est dotée en 2013 d'un "robot informatique", le Redditometro, qui utilise une centaine d'indicateurs permettant de comparer les déclarations de revenus et les dépenses réelles des foyers italiens. En cas d'écart de plus de 20%, un contrôle est lancé. En 2013, le fisc italien a testé ce robot sur 35.000 foyers fiscaux. 

En Belgique, "le data-mining fiscal" a d'abord été appliqué à la TVA. Avec un certain succès puisque les fraudes complexes auraient chuté de 85% en 8 ans. Il est désormais appliqué à l'impôt sur le revenu. 80.000 dossiers de contribuables auraient ainsi été sélectionnés depuis le début de l'année par les services fiscaux belges. 

Exemples de données surveillées

> qualité de dirigeant ou d'associé de société > données fiscales en matière de TVA > régime de groupe > compte bancaire à l'étranger > avantages en nature > données collectées lors des derniers contrôles

Source : Journal Officiel du 6 mars 2014

Patrick Coquidé