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Jean-François Copé: « La grande question de la rentrée: c'est le pouvoir d'achat ! »

Jean-François Copé, Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale et ancien Ministre du budget

Jean-François Copé, Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale et ancien Ministre du budget - -

Jean-Jacques Bourdin recevait, lundi 3 Septembre, le Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale et ancien Ministre du budget.

Jean-Jacques Bourdin : Pour commencer parlons d’actualité et plus particulièrement de cette fusion GDF-SUEZ. Est-ce que le prix du gaz encadré par l’état sera toujours encadré ?

Jean-François Copé : Avant toute explication il faut quand même faire remarquer qu’il s’agit là d’un projet formidable… Nicolas Sarkozy était au départ un peu inquiet mais les réticences étaient juste dues au fait qu’il y avait certaines choses à préciser et à éclaircir. Pour répondre à votre question, plus l’on est gros et plus l’on est en situation de négocier le prix des fournitures d ‘énergie, quand on dépense de l’étranger, et notamment en particulier de la Russie et de l’Algérie. L’intérêt d’un projet comme celui la est donc d’avoir une entreprise deux fois plus grosse pour peser plus sur le prix des approvisionnements. L’état reste présent, mais il laisse suffisamment de souplesse de gestion, et c’est tout l’intérêt d’une privatisation par rapport à un dispositif public à 30%, pour prendre des décisions rapides sans devoir attendre plusieurs mois que la tutelle vienne autoriser une décision alors qu’elle pourrait être prise en quelques heures.

J-J B : Vous venez de faire un commentaire très adapté mais vous n’avez pas répondu précisément à ma question : Est-ce que le prix du gaz encadré par l’état aujourd’hui le sera toujours ?

J-F C : En réponse je dirais qu’évidement, de ce point de vue, la privatisation n’arrange pas les choses, mais l’état y reste très présent puisqu’il est majoritaire au capital. Je vois bien, sur l’aspect des prix, car je pense que c’est ça aussi qui intéresse nos auditeurs, que le dispositif actif aujourd’hui améliore : on est plus gros, donc on pèse plus facilement sur celui qui nous vend le gaz, voila l’essentiel à retenir.

J-J B : Donc à partir de là on peut dire que c’est une garantie pour le consommateur et que le prix n’augmentera pas ?

J-F C : C’est une garantie supplémentaire et en ce qui concerne le prix ce n’est pas qu’il n’augmentera pas mais qu’il sera adossé au prix de la matière première. Il est évident que s’il y a une explosion du prix du gaz, que l’entreprise soit publique ou privée ça ne change rien, il faudra de toute façon payer.

J-J B : Mais est-ce que l’état pourra intervenir si tout à coup la direction de ce nouveau groupe décide d’augmenter de manière un peu inconsidérée le prix du gaz ?

J-F C : Je voudrais dire deux choses par rapport à ça. La première c’est qu’il y a la concurrence et ça change tout ; ça veut dire que du coup, vous mettez en concurrence des entreprises qui vous fournissent le gaz, à partir de là, vous allez évidement au moins cher. Les entreprises ne sont pas folles et ne veulent pas perdre leurs clients. Le deuxième élément à souligner est que lorsque vous êtes acheteurs d’un produit, plus vous êtes gros, plus vous pourrez peser sur les négociations. C’est très important car en passant d’un opérateur de taille moyenne, Gaz De France, au doublement de sa taille, c’est une manière de sécuriser encore mieux nos approvisionnements.

J-J B : Suez doit donc abandonner son pôle environnement. Sera-t-il revendu à Véolia ?

J-F C : Pour l’instant la question n’a pas encore été abordé. Ce que je veux simplement dire c’est que vous avez là une illustration d’une méthode politique qui marche. Je tiens à le faire remarquer parce qu’en ce début de rentrée, annoncer aux Français comme première grande nouvelle, que ce dossier, qui avait donné lieu à de nombreux débats, trouve une solution aussi moderne que celle la, il me semble que c’est aussi une manière d’expliquer pourquoi les Français sont aussi enthousiastes face à ce que nous faisons.

J-J B : Si vous le voulez bien, regardons ce que fait la Gauche, puisque c’était l’actualité à La Rochelle, François Hollande et Ségolène Royal ne s’y sont d’ailleurs pas rencontrés. Est-ce que vous ne trouvez pas qu’ils nous ont peut être mené en bateau au cours de la campagne électorale ?

J-F C : De quel point de vue ?

J-J B : Peut-être en nous mentant sur leur relation personnelle…

J-F C : Mais vous me posez la une question impossible. Étant dans la partie opposée si je dis du mal, on dira que je suis dans mon rôle…

J-J B : Mais je vous pose la question car aujourd’hui, les Français se disent, en ayant tout appris, qu’ils ont été mené en bateau.

J-F C : Tout d’abord ils ne l’ont pas été puisqu’ils ont voté et ils ont élu Nicolas Sarkozy et non pas Ségolène Royal. Il y avait peut-être certaines choses dans le concept « Ségolène Royal » qui n’étaient pas forcément claires, mais si je peux me permettre il me semble que ce n’était pas vraiment ça qui était peu clair, mais surtout le projet Socialiste pour gouverner la France. Il leur a probablement semblé que ce n’était pas comme ça pour Nicolas Sarkozy.

J-J B : Et quand vous entendez François Hollande dire « la France doit travailler plus » ?

J-F C : Laissez moi vous dire mon sentiment la dessus. Je ne vais ni donner des leçons, ni ricaner, parce que le Parti Socialiste d’aujourd’hui c’est la Droite d’il y a dix ans. On a connu la même histoire. Il y a dix ans, la droite, en 1997 a été battue. C’était juste après la dissolution et j’en parle en connaissance de causes puisque j’ai moi-même été battu au législatives avec un Front National qui avait fait 23% et la Gauche a gagné. Je vois le changement depuis, puisque le Front National n’a fait que 5% là où il en avait fait 23. Pourquoi ça a changé ? Parce qu’à Droite, depuis dix ans et en particulier ces dernières années, on a crevé nos aspects idéologiques et c’est l’un des grands mérites de Nicolas Sarkozy. Ce n’est encore pas un hasard si les Français l’ont élus, que d’avoir permis à la Droite, sur tous ces sujets où l’on n’osait rien dire, de dire les choses : les impôts, la privatisation, la sécurité, l’immigration. La Gauche n’a pas fait ce travail et elle l’a payée au prix fort au mois de mai dernier.

J-J B : La rentrée scolaire est plus qu’imminente. Je voulais avoir votre point de vue sur la question des cours le samedi dans les écoles, que Nicolas Darcose propose d’éventuellement supprimer. Qu’en pensez vous ?

J-F C : Il y a, à mon avis, une question plus globale à poser, sur laquelle je crois qu’il faut qu’on est un débat sinon ça risque d’être un drame, c’est le temps de travail des élèves. Il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs ; dans le club que j’ai créé, la GénérationFrance.fr, on passe son temps à regarder ce qu’il se passe ailleurs, à comparer, parce que ce n’est pas un drame d’aller voir comment ça se déroule ailleurs. Dans tous les autres grands pays, pour l’essentiels d’entre eux, les enfants travaillent moins que chez nous, ils font plus d’activités qui les ouvrent à d’autres domaines tels que les arts, le théâtre. En France, les enfants ne font pas assez de théâtre. On n’y pense pas mais c’est très concret, les domaines artistiques ouvrent l’esprit et apprennent à se tourner vers les autres, de rêver…Tous ces éléments n’ont pas été évoqué depuis très longtemps dans nos débats et je pense que ça vaudrait la peine qu’on le fasse. Donc le temps de travail des élèves est un vrai sujet.

J-J B : Et il y a aussi la question de la fin des redoublements en primaire qui traîne…Je dis ça parce que vous parliez des autres pays et en Finlande, pays qui est un très bon exemple et qui réussit merveilleusement bien, il n’y a pas de redoublement en primaire.

J-F C : En même temps, il y a aussi des choses très concrètes en France et qui sont très utiles dans l’évaluation des enfants et des élèves. Je pense par exemple à la note de vie scolaire, qui est une note globale tous les trimestres qui évaluent comment l’enfant se comporte.

J-J B : Est-ce que les députés UMP vont prendre des initiatives sur ce terrain là ?

J-F C : Les députés UMP ont une particularités c’est qu’il y a 321 hommes et femmes qui représentent un bout du territoire national, qui sont en contact avec les Français toute la journée, et qui à eux seuls représentent toutes les tranches de vies. J’ai le privilège d’être le chef député de l’UMP, je suis le premier témoin et je vois bien comment les députés UMP réagissent en étant en prise directe avec les Français. En ce qui me concerne je réfléchis beaucoup avec mes collègues et mes amis, à ce que doit être un député moderne. Qu’est-ce que ça peut être très concrètement d’être au cœur du débat, d’apporter des informations de nos territoires respectifs, de réagir, d’accompagner pleinement le gouvernement et enfin de faire des propositions sur tous les sujets comme on aura donc l’occasion de le faire sur l’école.

J-J B : Est-ce que les enfants doivent se lever lorsque le professeur entre dans la classe ?

J-F C : Bien sure moi je trouve que c’est une très bonne idée. Ce n’est pas une question de décret mais plus de bon sens. En revanche il y a une chose qui est vraie : ce que j’ai trouvé fantastique dans le discours de Nicolas Sarkozy sur l’école tout au long de cette campagne, c’est qu’il n’a pas eu peur des mots : on a dit « arrêtons avec mai 68 » parce que cette idée depuis quarante ans que tout se vaut, le travail, le non travail, l’autorité, la non autorité, les adultes, les enfant, fait qu’on a perdu beaucoup de repères. Et bien l’idée qu’on assume, en ce début de quinquennat, de vouloir remettre de nouveaux repères et de n’avoir pas peur d’en parler, ça fait aussi parti d’un nouvel état d’esprit.

J-J B : Est-ce qu’on peut dire que le coût de la vie augmente ?

J-F C : Si l’on prend l’indice officiel, il est tenu. Ce qu’on voit bien c’est que l’indice, comme tous les autres, a un peu vieilli et qu’il faudra certainement revoir comment le mesurer.

J-J B : On a beaucoup de notes d’auditeurs qui nous font remarquer que beaucoup de choses augmentent…

J-F C : Je vais vous dire ma pensée. L’année dernière la grande question de la rentrée c’était l’identité ; cette année c’est le pouvoir d’achat. Et je crois qu’il faut qu’on le dise et pas qu’on tourne autour du pot. Et ça veut dire quoi ? Évidemment il y a tous les petits signes du quotidien dont on entend parler, comme le prix du pain ; mais au delà de ça il y a une préoccupation. Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs tout de suite dit à la rentrée il y a une semaine, quand il s’est exprimé en particulier devant les entrepreneurs. Il ne s’agit pas de tourner autour du pot, une fois qu’on a dit qu’il y avait un problème de pouvoir d’achat il faut chercher à le résoudre : le gouvernement a donc pour rôles de créer des conditions pour qu’on ait des entreprises en bonne santé et que les consommateurs soient défendus. A partir de la le décor est posé, et notre objectif de rentrée est là.

J-J B : Mais Martin Hirsch, le haut commissaire aux Solidarités actives, s’indigne parce qu’il dit que le taux de pauvreté augmente en France dans l‘indifférence de tous, qu‘est-ce que vous en pensez ?

J-F C : Je ne peux pas dire que ce soit dans l’indifférence de tous. Il dit que cela n’intéresse personne mais c’est à cause de l’absence de lien de cause à effet. Quand on dit qu’il faut que les entreprises qui travaillent en France, étrangères ou françaises mais qui emploient en France, soient en bonne santé, ça veut dire déverrouiller ce qui empêche l’embauche.

J-J B : Martin Hirsch dit « l’évolution du taux de pauvreté n’interesse personne »…

J-F C : Il me semble que là on est sur deux sujets : d’un coté la santé des entreprises qui montre qu’il faut embaucher plus et de l’autre la question de la pauvreté. On est bien aussi dans l’autre face de notre préoccupation. Aujourd’hui, quand vous êtes au RMI, en fonction du nombre d’enfants que vous avez, vous touchez environ 450, 500 voire 600 euros et ça ne s’appelle pas vivre ça s’appelle survivre. Sauf que quand vous êtes au RMI, en plus de ça, vous avez des allocations, pas de redevance télévision à payer, ni d’impôts locaux, les transports sont gratuits pour les enfants…Vous reprenez un travail et vous perdez la quasi-totalité de tous ces avantages et en plus il faut retrouver quelqu’un pour garder les enfants…

J-J B : Et bien pourquoi alors ne pas augmenter le SMIC ou les salaires qui sont au dessus du SMIC ?

J-F C : C’est bien pour ça qu’on a imaginé un système dans lequel celui qui est au RMI et qui reprend un travail au niveau du SMIC peut bénéficier du fameux Revenu Social d’Activité. Évidement il faut encore qu’il se mette en place et qu’on l’expérimente. Mais vous voyez bien ce qu’il y a derrière, il y a cette idée simple qu’on ne peut pas continuer d’avoir le monde à l’envers. Il va bien falloir comprendre que dans notre société la seule clé c’est le retour progressif du travail et pour ceux qui travaillent de travailler plus.

J-J B : Qu’en est il de la TVA Sociale ?

J-F C : Pour commencer le mot n’est pas le bon car il fait du mal à une belle idée. La belle idée étant de dire qu’il faut lutter contre la délocalisation or le coût du travail est cher puisque les charges sociales sont élevées. Il s’agit donc de trouver un autre système pour financer la protection sociale que les charges sociales qui pèsent sur le travail. Maintenant il y a un risque : si on baisse les charges sociales et qu’en même temps les patrons ne répercutent pas les prix de vente à la baisse, alors on perd sur tous les tableaux. Voila le résumé de la situation. A partir de là, il faut qu’on essaie de trouver la bonne formule et je trouve que c’est encore quelque chose de très moderne que d’y réfléchir. Le problème, c’est que si l’on pouvait, sur ce coup là, éviter la politique politicienne ce serait formidable ; vous me parliez tout à l’heure des Socialistes qui ont quand même largement déformé l’idée et n’ont rien proposé en échange. Or on voit bien qu’en ce qui nous concerne, on a un vrai débat décomplexé ; le parlement, de ce point de vue, est le lieu idéal pour le débat. Voila un sujet sur lequel les députés UMP ont envie de débattre.

J-J B : Et la TVA Sociale telle qu’elle était présentée risquait d’entraîner une augmentation du coût de la vie ?

J-F C : Ce qui est sure c’est qu’à partir du moment où le risque peut exister, ça vaut la peine d’y réfléchir à deux fois. C’est typiquement le genre de sujets sur lesquels les parlementaires doivent se pencher et ont pleins de choses à dire.

La rédaction-Bourdin & Co