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Optimisation fiscale: l'Assemblée vote la création d'une amende

L'Assemblée veut responsabiliser les entreprises.

L'Assemblée veut responsabiliser les entreprises. - Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a renforcé l'arsenal législatif pour lutter contre l'optimisation fiscale des grandes entreprises. Mais pas autant que ne le souhaitaient plusieurs députés.

La lutte contre l'optimisation fiscale est au cœur des préoccupations. L'Assemblée nationale a décidé, le 13 novembre, d'en renforcer l'arsenal législatif.

Lors de l'examen des articles dits "non rattachés" du projet de budget 2015, les députés ont voté la création d'une amende fiscale spécifique pour les cabinets de conseil fiscaux aux entreprises apportant leur concours à la réalisation d'opérations ou de montages s'apparentant à des schémas abusifs, via un amendement socialiste.

L'entreprise reste redevable des rehaussements et majorations de 80% qui lui sont attachées. Mais le conseil dont il sera établi le rôle déterminant dans la mise en oeuvre de l'opération subira une amende proportionnelle au chiffre d'affaires généré par ses prestations.

Ce dispositif s'apparente au "principe pollueur-payeur", selon le chef de file des députés PS de la commission des Finances, Dominique Lefebvre.

Favorable à cette mesure, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a jugé qu'"elle pose le principe de coresponsabilité de l'entreprise et de son conseil en cas de procédure de type abus de droit".

Amende de 10.000 euros

L'Assemblée a aussi adopté, à l'initiative de socialistes, un amendement pour "rendre pleinement effective l'obligation de documentation des prix de transfert à laquelle sont tenues les plus grandes entreprises", via une amende "plus dissuasive" pouvant être assise sur le montant des transactions pour lesquelles la documentation est défaillante.

Pour les entreprises qui n'appliquent pas cette exigence de transparence, la loi prévoit jusqu'alors une amende de 10.000 euros ou, si ce montant est supérieur, d'une somme pouvant atteindre 5% des bénéfices transférés à l'étranger au travers de la manipulation des prix de transfert.

Mais "si la manipulation est dissimulée par absence de documentation, il est très difficile d'établir une sanction proportionnelle", a expliqué Sandrine Mazetier, l'une des socialistes signataires de l'amendement.

Pas de déclaration systématique au fisc

Sans succès à l'inverse, Karine Berger, avec le soutien du rapporteur général, Valérie Rabault, et de Yann Galut mais aussi des écologistes et des radicaux de gauche, a défendu des amendements parfois cosignés par des "frondeurs" pour durcir davantage la lutte contre l'optimisation fiscale.

Ces élus souhaitaient ainsi une déclaration systématique au fisc des opérations de réorganisation d'entreprise, dès lors que des éléments de valeurs (actifs corporels ou incorporels) sont transférés par une entreprise établie en France à une entreprise liée établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée.

Ils voulaient également que les entreprises ayant un chiffre d'affaire de plus de 400 millions d'euros transmettent au fisc un rapport pays par pays indiquant clairement la localisation des bénéfices, des ventes, des salariés et des actifs, ainsi que le lieu où les impôts sont payés et restent dus.

Soucieux d'éviter que "ne s'installe l'idée d'une certaine inertie du gouvernement devant ces questions dont la complexité est grande et les difficultés juridiques" réelles, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a d'abord rappelé le chemin parcouru depuis le début du quinquennat contre la fraude et l'optimisation fiscale, avec notamment "plus de 70 mesures législatives".

Il a ensuite opposé une fin de non-recevoir à ces amendements, en invoquant la volonté du gouvernement "à son plus haut niveau" d'éviter le "risque" d'une nouvelle censure du Conseil constitutionnel mais aussi d'attendre des décisions internationales au niveau de l'OCDE et du G20 sur le sujet.

Mais les parlementaires ont "beaucoup travaillé" en tenant compte des décisions des Sages, a objecté Karine Berger. "Ce ne sont pas des amendements sortis du chapeau, des avocats fiscalistes ou des juristes mais aussi l'administration fiscale anglaise et des parlementaires anglais et allemands ont été consultés", a souligné Valérie Rabault.

Et, a plaidé Yann Galut, "la France devrait continuer à être à l'offensive sur ces questions". "Peut-être que le JunckerLeaks va accélérer les choses... Profitons des crises pour pousser notre avantage", a abondé l'écologiste Eric Alauzet.

D. L. avec AFP