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L’Insee conteste l’impact sévère des Gilets jaunes sur la croissance

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Dans sa dernière note de conjoncture, l’institut statistique souligne la résilience de l’économie française qui sera alimentée par la demande intérieure. La consommation compensera le ralentissement des exportations.

La croissance française plombée par la crise des Gilets jaunes ? Ce mardi matin, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a assuré que la croissance devrait atteindre 1,4% en France cette année, tout en estimant que ce chiffre aurait pu être plus élevé sans les manifestations des "gilets jaunes".

« La croissance française reste très forte : nous ferons 1,4% cette année. On fera mieux que quasiment tous les pays européens. On aurait peut-être 1,6 ou 1,7% s'il n'y avait pas le mouvement des gilets jaunes », estimant que l'impact des manifestations était évalué à 0,2 point de croissance, soit « quatre milliards d'euros ».

Une vision contestée dans la dernière note de conjoncture de l’Insee. L’institut souligne en effet que « si le mouvement des gilets jaunes a pu avoir des conséquences localement sévères, son impact macroéconomique à court terme a, sans conteste, été plus faible que son retentissement politique et médiatique ».

Pour le premier semestre, l’Insee table sur un « acquis de croissance » de +1,1% contre 0,9% pour la zone euro. Deux raisons expliquent ce phénomène de résilience. La première, c'est que la France est moins exposée au commerce international que l'Allemagne et l'Italie. La seconde, c'est qu'il y a beaucoup de pouvoir d'achat aujourd'hui dans l'économie française.

Le taux de chômage à 8,7% au printemps

De fait, l’Insee anticipe un ralentissement des exportations, manufacturières comme en biens et services (+0,6 % au premier trimestre 2019). Les livraisons stagneraient ensuite au printemps 2019, conduisant à un acquis de croissance annuelle à la mi-2019 de +2,5 %, supérieur à l’acquis de demande mondiale (+2,1 %).

Par ailleurs, les mesures à 11 milliards d’euros devraient générer 1,8% d’acquis de croissance du pouvoir d’achat à mi-2019, c’est déjà plus que les +1,2% de l’année 2018. « Le pouvoir d’achat, déjà stimulé fin 2018 par les réductions de la taxe d’habitation et de cotisations salariales, bénéficierait ensuite des mesures d’urgence annoncées en décembre », souligne l’Insee. Tout comme l’inflation qui devrait rester sage : +1% en rythme annuel prévu en juin.

Autre bonne nouvelle, la bonne tenue de la demande intérieure devrait alimenter les créations d’emplois qui maintiendront le rythme observé en 2018. L’Insee estime qu’on comptabilisera 85 000 créations nettes au premier semestre contre +164 000 en 2018. Le taux de chômage pourrait ainsi perdre 0,4 point au printemps, soit 8,7% de la population active.

Conclusion, « l’économie française serait donc surtout soutenue par la demande intérieure, en particulier la consommation des ménages mais aussi l’investissement des entreprises, qui pourrait profiter de l’apport ponctuel de trésorerie associé à la transformation du CICE en baisse pérenne de coût salarial ».

Pour autant, l’Insee met en avant les nombreux éléments qui peuvent briser ce scénario optimiste (ou le renforcer). Le plus important, d’ailleurs mis en avant par de nombreux analystes, est que les Français préfèrent épargner plutôt que consommer, compte tenu des incertitudes ambiantes.

« Il y a un paradoxe. Au quatrième trimestre, le pouvoir d’achat des Français n’a jamais été aussi fort depuis 2006 mais il ne s’est pas traduit par un bond de la consommation et donc de l’activité. Les Français ont préféré épargner dans une logique de précaution. Et il faut évidemment ajouter les conséquences des manifestions des Gilets jaunes », commente Mathieu Plane de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

« Au-delà des interrogations propres à la France, concernant notamment le comportement des consommateurs, l’environnement international pourrait s’obscurcir davantage ou bien s’éclaircir si des solutions politiques venaient faire baisser, en particulier, les tensions commerciales et les inquiétudes associées au Brexit », conclut le statisticien.

Olivier CHICHEPORTICHE