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Finances publiques

La Cour des comptes est-elle si exemplaire que cela?

Didier Migaud, le Premier président de la Cour, lors de l'audience solennelle de rentrée

Didier Migaud, le Premier président de la Cour, lors de l'audience solennelle de rentrée - Pierre Verdy-AFP

La Cour des comptes va présenter le 11 février son rapport public annuel contenant son lot de gabegies administratives. Mais la vénérable institution de la rue Cambon est-elle vraiment un modèle de gestion?

Le 11 février sera le grand jour de l'année pour Didier Migaud. Le Premier président de la Cour des comptes présentera le traditionnel rapport public annuel dans lequel l'institution de la rue Cambon va décerner bonnes et surtout mauvaises notes pour la gestion des deniers publics. 

L'occasion aussi pour l'ancien rapporteur général socialiste du budget de l'Assemblée nationale de répondre aux critiques des lobbies mis en cause dans les travaux de la Cour, comme récemment les intermittents du spectacle ou les élus locaux qui ont contesté les chiffres donnés.

Jusqu'à un livre à paraître le 5 février qui s'interroge sur l'indépendance et l'austérité de la Cour ("Et si l'on enquêtait sur la Cour des comptes?" de Bruno Botella, Editions du moment).

Ses dépenses baisseront de 0,99%

La Cour des comptes est-elle donc un modèle de rigueur de gestion? François Hollande a annoncé 21 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques en 2015. La Cour économisera, elle, 1,94 million cette année, soit une baisse de 0,99% de ses crédits. Par comparaison, le budget du Conseil d'Etat augmentera, lui, de 2,2%. 

Les dépenses de la Cour et des 20 chambres régionales et territoriales atteindront ainsi 214,5 millions contre 216,4 millions en 2014, selon le rapport budgétaire du député centriste Philippe Vigier. 

Dans le détail, les dépenses de fonctionnement seront en baisse de près de 10%. C'est la conséquence du récent regroupement des chambres régionales et de la mutualisation des moyens. 

En revanche, les dépenses d'investissement seront en hausse de... 407%, soit 3,9 millions. Avec ces crédits, Didier Migaud, veut poursuivre la mise en place d'un système de programmation des travaux et des procédures engagés par l'institution. La Cour ayant renoncé à son projet d'installation dans une partie l'Hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, elle va en contrepartie engager des travaux de sécurité de ses locaux vétustes de la rue Cambon.

60 euros de frais de nuit d'hôtel pour un magistrat de la Cour

"Nos dépenses de fonctionnement sont très contraintes et diminuent alors que nos missions de contrôle ont augmenté", assène Didier Migaud à BFMBusiness. Désormais, la Cour abrite ainsi le Haut conseil des finances publiques chargé de donner son avis sur les hypothèses économiques du gouvernement. Le PP (pour Premier président comme on l'appelle rue Cambon) précise que la Cour n'a plus que 2 voitures de fonction contre 8 auparavant. Que les secrétaires sont quasi-inexistantes. Et que les magistrats qui partent en mission de contrôle n'ont droit qu' à 60 euros de remboursement de nuit d'hôtel...

Ces derniers ne sont pas à plaindre quand même. Selon Bruno Bottela, ils touchent entre 20.000 et 60.000 euros de primes par an, en fonction de leur productivité. C'est moins en moyenne que les hauts fonctionnaires de Bercy. Le traitement mensuel net primes comprises des conseillers de la rue Cambon varie de 8.000 à 10.200 euros. Celui des présidents de chambre va jusqu'à 12.500 euros et le Premier président touche entre 14.000 et 15.000 euros. Sans doute pas la plus haute des rémunérations de l'administration française.

Le conseiller Hollande ne reviendra jamais à la Cour

En 2015, alors que l'Etat réduira globalement ses effectifs de 11.000 fonctionnaires, la Cour des comptes et les chambres régionales maintiendront le même plafond d'emplois depuis 2010, à 1.840 personnes, dont 637 magistrats. " Comparée à nos homologues allemandes ou britanniques, la Cour française a moins d'effectifs", insiste Didier Migaud.

Cette année, elle recrutera pourtant 63 agents chargés de vérifier les comptes des organismes qu'elle vérifie. Mais elle financera ces embauches par le non remplacement de 63 fonctionnaires d'exécution. Mais comme d'autres administrations, elle ne se prive pas de recourir aux contractuels, qui seront 108 cette année sur les 1.840 emplois budgétaires prévus. 

Le problème, c'est qu'un tiers des magistrats de la Cour ne sont pas.... à la Cour, mais dans les cabinets ministériels, dans les entreprises publiques, voire dans le privé. Beaucoup ne restent que quelques années à l'extérieur et réintègrent ensuite la Cour, fort d'une expérience utile. Mais d'autres ne reviendront que quelques années pour finir leur carrière et attendre la retraite. D'autres enfin ne repasseront même jamais par la rue Cambon, comme le conseiller référendaire... François Hollande, et avant lui Jacques Chirac. 

La Cour et les chambres en 6 chiffres:

> effectifs Cour et Chambres régionales : 1.840 personnes

> dépenses de personnel: 186 millions d'euros

> dépenses d'investissements: 2,8 millions

> 1.000 rapports publiés par an

> 3.000 décisions juridictionnelles

> 62% des recommandations suivies d'effets

Source: Rapport Vigier, Assemblée nationale. Chiffres 2014

Patrick Coquidé