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Finances publiques

Pourquoi la grève des avocats prend de l'ampleur

Les barreaux de Laval, Annecy ou encore Rouen, ont voté une grève totale et illimitée.

Les barreaux de Laval, Annecy ou encore Rouen, ont voté une grève totale et illimitée. - Philippe Desmazes - AFP

141 des 164 barreaux de France ont décidé depuis hier de suivre un mouvement de grève qui consiste à ne pas désigner d'avocat d'office. Ils entendent ainsi protester contre la réforme de l'aide juridictionnelle.

Le mouvement de protestation des avocats contre la réforme de l'aide juridictionnelle, entamé il y a une semaine à Paris, ne faiblit pas. Il prend même de l'ampleur au niveau national. La grève était suivie lundi par 141 des 164 barreaux de France selon le Conseil national des barreaux (CNB). Pour l'instant, le mouvement est limité aux comparutions immédiates, les avocats commis d'office n'étant pas nommés. Mais il pourrait se durcir.

"L'ensemble des missions immédiates est affecté, l'ensemble de l'activité juridictionnelle ne l'est pas encore et il est probable, compte tenu de l'exemple d'un certain nombre de barreaux qui l'ont décidé déjà, que l'on s'achemine vers un blocage complet de l'activité juridictionnelle", explique à BFM Business Pascal Eydoux, président du Conseil national. En effet, à Paris, le mouvement s'est durci lundi, avec un appel à ne plus plaider. Et les barreaux de Laval, Annecy ou encore Rouen, ont voté une grève totale et illimitée.

Une réforme jugée "inacceptable"

Les avocats demandent à être reçus par la ministre de la Justice Christiane Taubira dans les plus brefs délais, mais la Chancellerie n'a pas pour le moment accédé à leur demande. Ils souhaitent le retrait du projet de la taxation de la profession d'avocat, qu'ils jugent " inacceptable".

Au coeur des tensions, l'article 15 du projet de loi de finances voté jeudi soir qui prévoit, entre autres, un prélèvement de 5 millions d'euros en 2016 et 10 millions d'euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses (Carpa) gérées par les avocats afin de financer l'aide juridictionnelle (AJ). Cette dernière permet aux plus démunis d'accéder aux services d'un avocat. Mais les professionnels refusent de cotiser à une augmentation de son budget arguant qu'ils participaient déjà largement à son fonctionnement, pour lequel ils s'estiment mal rémunérés.

Une baisse de la rémunération

Et c'est l'autre source de tension avec la ministre de la Justice. Les avocats dénoncent aussi une baisse de leurs revenus à cause de la baisse du nombre d'unités de valeurs (UV, qui correspond à la rétribution prévue pour une demi-heure de travail) attribuées aux principaux actes comme les divorces, les prud'hommes, les gardes à vue… Le nombre d'UV par procédure est revu à la baisse dans près de 60% des cas.

"On est dans une situation qui est parfaitement inédite. En matière d'aide juridictionnelle, cela fait des années que nous combattons, que nous sommes en désaccord, que nous négocions avec l'Etat mais nous ne nous sommes jamais arrivés à ce paroxysme absolument extraordinaire qui consiste à dire à un professionnel qui consiste à dire vous allez payer pour exercer. Ça c'est inouï!", dénonce Pascal Eydoux sur BFM Business. Et d'ajouter "en conséquence, moi je n'exclus rien" .

C.C. avec AFP