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La loi Elan dessert-elle les propriétaires ?

La loi Elan vise à rassurer les investisseurs pour qu'ils achètent plus sereinement.

La loi Elan vise à rassurer les investisseurs pour qu'ils achètent plus sereinement. - Pixabay

La loi Elan a récemment été adoptée en vue de créer un « choc de l’offre » immobilière voulu par Emmanuel Macron. Le but ? Assouplir, entre autres, les conditions d’investissement locatif. Mais est-ce véritablement le cas ? Jean-Jacques Manceau, auteur du blog « My Little Money », revient sur les fondements d’une loi attendue au tournant.

Frédéric Pelissolo, le président de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière Paris (UNPI Paris), considère que « le dispositif expérimental d’encadrement des loyers contenu dans le projet de loi Elan heurte plusieurs principes de valeur constitutionnelle : il porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle ». Il estime au contraire, qu’elle serait de nature à « rassurer les bailleurs ».

Quel regard portez-vous sur la posture de l’UNPI ? Laquelle instance déplore que le Conseil constitutionnel ne se soit pas « saisi spécifiquement » des articles 139 et 140 du projet de loi sur l’encadrement des loyers…

Jean-Jacques Manceau : La loi Elan comporte 588 pages. Comme toutes les grandes lois, elle dispose de nombreux tiroirs et de quantité de mesures, notamment pour tout ce qui concerne l’accès au logement social et la libération du foncier. A l’intérieur de celle-ci, il y a, forcément des décrets qui sont en faveur des locataires, d’autres qui servent davantage les intérêts des bailleurs.

Sauf que contrairement à la loi Alur, la loi Elan a fondamentalement été conçue pour rassurer les propriétaires-bailleurs. Elle permet de remettre sur le marché des biens qu’il n’était plus possible de louer par exemple. L’idée, au travers de cette loi, c’est de dire aux investisseurs qu’’ils peuvent de nouveau acheter un bien plus sereinement.

Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, ce que redoutent, principalement, les bailleurs c’est bien ce système d’encadrement des loyers. Encore faut-il s’assurer que cet encadrement puisse véritablement être mis en œuvre. Or, il ne peut être appliqué que si et seulement si toutes les conditions sont réunies. D’après moi, il sera très difficile de le mettre en place. Ce d’autant plus que ce n’est, a priori, pas très efficace.

Quelles sont, concrètement, les mesures contenues dans la loi qui incitent, selon vous, les propriétaires-bailleurs à revenir à l’immobilier locatif ?

On dit souvent que les bailleurs ne veulent plus investir parce qu’ils ont le sentiment que les locataires sont surprotégés. Prenons l’exemple des squatteurs… Avant, dans le cadre de la loi Alur, il y avait de nombreux abus et les propriétaires-bailleurs se retrouvaient parfois dans des situations absolument incroyables avec des squatteurs qui leur demandaient des dommages et intérêts parce qu’ils avaient été expulsés. Désormais, les squatteurs sortiront du cadre de protection de la loi et ce n’est pas plus mal.

Au-delà de cela, la loi Elan comporte ce que l’on appelle des ‘clauses résolutoires’ qui protègent, là encore, les bailleurs. L’idée au travers de ces clauses, c’est de prévoir qu'en cas de manquement de la part d’un locataire par exemple (bruit, loyers impayés, etc.), la procédure visant à résilier le bail soit accélérée.

Autre bonne nouvelle qui pourrait redonner aux investisseurs l’envie de miser sur le locatif : ‘le nouveau bail mobilité’. Celui-ci devrait, très prochainement, voir le jour et répondre aussi bien aux attentes des propriétaires qu’à celles des locataires. Là encore, il s’agit d’un dispositif qui offre bien plus de souplesse aux propriétaires-bailleurs.

Pourquoi ? Parce que jusqu’à présent, les bailleurs n’avaient pas la possibilité de louer leur bien pour une courte durée à des personnes qui en avaient, pourtant, besoin (étudiants, actifs dans le cadre de formations professionnelles ou de missions, etc.). Ils ne pouvaient proposer aucun contrat adapté à ces situations. Ils risquaient même de lourdes amendes. Ce qui, de fait, devrait donc changer rapidement avec le ‘nouveau bail mobilité’.

Au final, cette loi permet-elle de rééquilibrer les forces entre les propriétaires-bailleurs et les locataires ?

La loi était devenue peut-être un peu trop protectionniste pour les locataires. Il y avait beaucoup d’abus avec la loi Alur et l’impossibilité, bien souvent, pour les propriétaires de renvoyer leurs locataires pour cause d’impayés ou de leur appliquer des indemnités de retard. Sauf que, dès lors que l’on compte sur les investisseurs privés pour acheter des biens, il faut qu’ils aient conscience du fait que la loi se situe, effectivement, de leur côté.

On assiste, clairement, aujourd’hui à un rééquilibrage comparé à la loi Alur. Reste, désormais, à attendre que les décrets entrent, un à un, en application. Ce qui pourrait advenir assez rapidement.

Julie COHEN-HEURTON