BFM Business
Economie et Social

Le douloureux coût des « gilets jaunes » pour les entreprises

Des gilets jaunes dans Paris (photo d'illustration).

Des gilets jaunes dans Paris (photo d'illustration). - Christophe Archambault - AFP

Un rapport parlementaire a chiffré l’impact économique de la crise des « gilets jaunes ». Outre les dégâts matériels, ce sont surtout les pertes de chiffre d’affaires qui ont lourdement pesé sur les entreprises touchées.

Les entreprises ne seront pas sorties indemnes de la crise des « gilets jaunes ». On évoque régulièrement la perte de 0,1 point de croissance au dernier trimestre de l’année 2018 mais ce chiffre, sans être négligeable, « est loin de refléter l’étendue des répercussions économiques liées aux débordements » lors des manifestations, observe le rapport remis ce mercredi par la mission parlementaire chargée d’évaluer le coût du mouvement. Rien qu’au plan matériel, les actes de vandalisme représentent 217 millions d’euros d’indemnisations versées par les assurances.

Ce montant, néanmoins, n’est que la « partie immergée de l’iceberg », assurent les auteurs du rapport, des élus de droite et du centre, qui évoquent une vie économique fortement perturbée. Le coût pourrait être bien plus important pour les entreprises françaises. « Si les dégradations matérielles sont considérables, ce sont les pertes d’activité qui constituent le préjudice le plus grave et le plus important et ces dernières ne sont que rarement prises en charge par les assurances », soulignent-ils. D’autant que certains secteurs d’activités ont été particulièrement touchés.

En premier ligne : le commerce de détail. L’occupation des ronds-points, dans un premier temps, s’est traduite par le blocage de nombreux axes routiers rendant inaccessibles les commerces situés à la périphérie des villes. Les centres-villes, « devenus au fil des semaines les théâtres des heurts les plus violents », ont été peu à peu désertés d’un samedi à l’autre, « causant des baisses d’activité massives pour ce jour qui représente en temps normal la part la plus importante de l’activité hebdomadaire pour les commerces », déplorent les parlementaires.

Commerce et tourisme

Des manques à gagner d’autant plus durement ressentis qu’ils sont intervenus lors de périodes propices aux recettes commerciales, celles des fêtes de fin d’années, puis celles des soldes d’hiver. « Les commerçants, les artisans et les restaurateurs enregistrent pour nombre d’entre eux des baisses massives de chiffre d’affaires, estimées en moyenne entre 20 et 30 % le samedi, passé du meilleur au pire jour de la semaine », soulignent-ils, précisant que, selon CCI France, deux tiers des commerçants jugeaient ces pertes « irrécupérables ».

Le tourisme, lui aussi, a souffert ces derniers mois. La fréquentation touristique déclinait dès le mois de décembre, cette tendance se poursuivant au premier trimestre 2019 – une inversion de tendance après deux ans de croissance trimestrielle continue. Les hôtels, cafés et restaurants ont comptabilisé, selon l’Union des entreprises de proximité (U2P), des pertes autour de 850 millions d’euros. Autre conséquence non négligeable pour Paris : l’image de la capitale française « s’est dégradée dans l’esprit des visiteurs, qui préfèrent se reporter sur d’autres capitales européennes », notent les députés.

Ces répercussions n’ont pas pénalisé toutes les entreprises de la même manière. Pour les petites et moyennes entreprises, les plus vulnérables lors des crises conjoncturelles, l’absorption de ces pertes de chiffre d’affaires a été beaucoup moins évidente que pour les entreprises de grande taille, qui disposent de réserves de trésorerie et peuvent compenser les pertes d’un site avec les gains d’un autre. « À l’inverse, pour les TPE et PME, les pertes de chiffre d’affaires sont susceptibles d’avoir des conséquences structurelles pour l’entreprise », avance les auteurs du rapport.

« Assèchement de la trésorerie »

« Cet assèchement de la trésorerie est à l’origine d’une série de problèmes pour l’entrepreneur, qui peut se retrouver dans l’incapacité de régler diverses charges fixes : traites bancaires, échéances fiscales et sociales, règlement du loyer, paiement des fournisseurs, paiement des salariés et rémunération en tant que chef d’entreprise. Cette pression sur la trésorerie et les éventuels retards de paiement […] entraînent en cascade d’autres risques, comme des autorisations de découvert plus restreintes […], amenuisant les capacités de financement à plus long terme pour l’entreprise concernée », notent-ils.

Pour limiter ces pertes de revenus, et freiner la fonte de leur trésorerie, certaines entreprises avaient notamment eu recours à des efforts commerciaux, comme des promotions, pour attirer les consommateurs, mais ces derniers ont aggravé l’état des marges déjà réduites par cette baisse de chiffre d’affaires. Selon les auteurs du rapport, face à cette fragilisation du financement des entreprises, des effets à retardement ne sont pas à exclure dans les prochains mois.

On rappellera néanmoins que selon le rapport de l'institut Altares, les défaillances d'entreprises ont baissé de plus de 3% au deuxième trimestre, atteignent leur plus bas niveau depuis 2008, preuve d'une certaine résilience des entreprises.

La rédaction