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Finances publiques

Comment le fisc veut traquer les vendeurs de biens sur Internet

Le fisc va pouvoir demander aux logisticiens des renseignements sur leurs clients

Le fisc va pouvoir demander aux logisticiens des renseignements sur leurs clients - Joe Raedle/Getty images/AFP

Bercy va disposer d'une nouvelle arme pour lutter contre la fraude dans l'e-commerce: un décret va élargir le droit du fisc qui va pouvoir obtenir communication d'informations afin d'identifier les propriétaires de sites qui dissimulent leurs revenus ou n'acquittent pas la TVA.

Le fisc n'attend plus qu'un décret pour dégainer, c'est à dire lancer des contrôles fiscaux. Ce décret d'application du collectif budgétaire de décembre doit être publié début juin après avis de la Cnil

Il va donner au fisc le droit de demander à toutes les entreprises la communication d'informations sur leurs clients. S'il concerne en théorie tous les secteurs d'activité, l'objectif réel est d'identifier les propriétaires de sites de e-commerce qui se cachent derrière des pseudonymes, ou les professionnels qui vendent sur plusieurs plate-formes sans déclarer totalement leur volume d'affaires afin de minorer leurs revenus.

Sont également visés les particuliers qui recourent aux sites d'e-commerce pour dissimuler une véritable activité d'achat-revente ou de location immobilière quasi-professionnelle...

Airbnb et Amazon dans le viseur

Le fisc va par exemple pouvoir demander aux entreprises de transport ou aux grands logisticiens comme Fedex ou UPS, qui acheminent les biens achetés sur internet, les coordonnées des sites qui sont leurs clients. Les "marketplaces" qui hébergent d'autres sites marchands, comme Amazon pourront également être sollicités. L'administration fiscale pourra aussi demander à des sites comme Airbnb la communication de ses listings de clients pour voir si des noms ne reviennent pas trop souvent. 

Une fois les propriétaires réels des sites ou les vrais-faux professionnels identifiés, le fisc pourra contrôler s'ils ont bien déclarés et réglés leurs impôts et leurs taxes. 

Jusqu'à présent en effet, les services fiscaux pouvaient demander à des tiers la communication d'informations uniquement lorsqu'elles concernaient des personnes nommément désignées. Ce qu'il faisait par exemple à l'occasion d'un contrôle fiscal d'une entreprise ou d'un particulier en réclamant à leurs banques la copie des comptes des intéressés.

Désormais, le droit de communication va donc être étendu à des "personnes non identifiées". Tout refus de communication de la part d'une entreprise sera sanctionné de 5.000 euros d'amende pour chaque demande non satisfaite, ce qui peut vite se révéler dissuasif. Le futur décret devrait toutefois encadrer les possibilités de l'administration fiscale afin que le droit de communication reste "ciblé". 

164.500 sites... souvent étrangers

On dénombre actuellement en France selon la Fevad 164.200 sites marchands actifs contre 14.500 seulement il y a dix ans. Au 1er trimestre 2015, 34,7 millions d'internautes ont effectué des achats en ligne.

Depuis l'explosion du e-commerce, le fisc se plaignait de ne pas pouvoir contrôler un secteur qui représente plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Selon Bercy, les rentrées de TVA ne seraient pas au rendez-vous en raison des fraudes et des dissimulations.

La fraude à la TVA est estimée au total à plus de 30 milliards par an par la Commission de Bruxelles. La lutte contre cette fraude est devenue une priorité du gouvernement qui espère récupérer 150 millions par an grâce au renforcement des pouvoirs du fisc. Mais il ne précise par sur ce montant combien proviendra du commerce en ligne.

On le comprend. Nombre de sites de e-commerce sont hébergés à l'étranger. Même si une entreprise qui effectue plus de 100.000 euros de volume d'affaires en France doit déclarer sa TVA dans l'Hexagone, le fisc n'est pas au bout de ses peines pour récupérer ses créances.

P.C.