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Les CHU ont reçu 170 millions d'euros de laboratoires pharmaceutiques en 2018

Le CHU de Bordeaux aurait reçu 4,5 millions d'euros en 2018

Le CHU de Bordeaux aurait reçu 4,5 millions d'euros en 2018 - MEHDI FEDOUACH - AFP

Près de 170 millions d'euros: c'est la somme reçue par les CHU de la part de laboratoires pharmaceutiques en 2018, selon une enquête d'un collectif de journalistes régionaux. Une étude qui relance le débat sur les liens controversés entre médecins et laboratoires.

Au total, plus d'1,36 milliard d'euros de dons, rémunérations ou avantages ont été versés en 2018 pour l'ensemble des professionnels de santé français, dans le public comme le privé. Des montants recensés dans la base Transparence Santé, une base mise en place dans la foulée du scandale du Mediator, qui rend obligatoire les déclarations de tout don de plus de dix euros, souligne le collectif Data+Local.

Mais l'enquête des journalistes de ce collectif se concentre plus particulièrement sur les 30.000 praticiens répartis dans les 32 CHU du territoire: plus de 92 millions ont été versés aux professionnels de santé exerçant dans ces établissements, auxquels s'ajoutent quelque 78 millions d'euros versés au titre notamment de conventions passées entre les CHU et les laboratoires.

Le journal Sud Ouest indique ainsi que le CHU de Bordeaux, avec près de 4,5 millions d'euros d'avantages et de rémunérations pour ses personnels soignants en 2018, figure dans le trio de tête des "hôpitaux français dont les personnels sont les plus liés à l'industrie de la santé".

En incluant l'ensemble des dons et subventions, "on arrive à 9,1 millions pour ce CHU", précise auprès de l'AFP Frédéric Sallet, journaliste à Sud Ouest, qui indique que les données récupérées sur la base Transparence Santé ont nécessité "un nettoyage". En données brutes, non corrigées d'erreurs éventuelles, la base donne un montant de 200 millions d'euros au total pour les CHU en 2018, souligne-t-il.

36,5 millions d'euros versés à l'AP-HP

Quinze titres à travers la France ont participé à cette enquête, dont La Montagne, les Dernières nouvelles d'Alsace, Ouest France ou encore Le parisien. Ce dernier s'est lui intéressé à l'AP-HP, qui regroupe 39 hôpitaux et a reçu sur cette période 36,5 millions d'euros, dont 26,5 millions d'euros pour les médecins.

En Ile-de-France, le laboratoire suisse Novartis est le premier donateur avec près de 2 millions versés en 2018, suivi par l'Américain AbbVie ou encore par le français Sanofi "pour des sommes qui dépassent le million d'euros", selon Le Parisien.

Contacté par l'AFP, Sanofi fait valoir que ces sommes correspondent essentiellement à une coopération pour la recherche. "Les relations de travail entre les CHU et les entreprises du médicament sont indispensables pour mettre au point de nouveaux médicaments et les tester dans des essais cliniques", précise l'entreprise dans un courriel.

Même son de cloche pour Novartis qui se défend de faire tout cadeau, "ni grand ni petit", et dit être le premier contributeur en terme d'essais cliniques en France. "Il est impossible pour une entreprise telle que Novartis de développer des médicaments performants et de répondre aux conditions draconiennes de sécurité pour les patients sans nouer des relations de travail étroites avec les professionnels de santé exerçant dans les CHU", affirme le géant suisse dans un courriel à l'AFP.

Des mesures pour la prévention des conflits d'intérêts

De son côté, l'AP-HP précise que des progrès importants ont été accomplis ces dernières années pour la prévention des conflits d'intérêt. Son directeur général Martin Hirsch cite ainsi plusieurs mesures, dont la mise en place de partenariats institutionnels avec des laboratoires "évitant des rétributions directes de l'industrie vers des praticiens", "une gestion beaucoup plus active des cumuls d'activité" pour les praticiens, ou encore l'interdiction "des visites individuelles promotionnelles de l'industrie pharmaceutique et des industriels des dispositifs médicaux".

La base de données Transparence Santé avait été créée en 2014 en réaction au scandale du Mediator, ce médicament des laboratoires Servier tenu responsable de centaines de morts, qui avait fait apparaître au grand jour les relations entre les laboratoires pharmaceutiques et les professionnels de santé.

Une trentaine de journalistes du collectif Data+Local ont recoupé les données de cette base, souvent critiquée pour sa complexité, avec celles de deux autres bases, celle de l'Annuaire Santé, qui recense les professionnels de santé enregistrés dans les répertoires nationaux, et celle de Euros for docs, qui simplifie l'accès et le décryptage des données de Transparence Santé.

Sandrine Serais avec AFP