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Finances publiques

Les coûteux "cadeaux" des élus locaux à leurs fonctionnaires

Dans son rapport annuel sur les finances des collectivités territoriales, la Cour des comptes dénonce de "coûteux" avantages accordés aux agents territoriaux.

Dans son rapport annuel sur les finances des collectivités territoriales, la Cour des comptes dénonce de "coûteux" avantages accordés aux agents territoriaux. - Renaud Camus-Flickr Creative Commons

Jours de congés supplémentaires, primes pas toujours justifiées par le mérite, temps de travail inférieur aux 35 heures : la Cour des comptes épingle la gestion coûteuse des ressources humaines dans les collectivités locales.

Les magistrats de la Cour des comptes dressent un tableau peu flatteur de la gestion des ressources humaines dans les collectivités alors que par ailleurs leurs comptes financiers se sont améliorés en 2015. De 2008 à 2015, les dépenses de personnel des administrations publiques locales (APUL) sont passées de 64,3 à 79,4 milliards d'euros, soit une progression de 23 %, qui explique plus de la moitié de l’évolution de leurs dépenses totales (+ 26,1 milliards d'euros) au cours de cette période, relève la Cour. Or, ces dépenses de personnel "ont progressé trop rapidement au cours de la dernière décennie", selon les magistrats.

"La gestion des quelque deux millions d'agents territoriaux présente d'importantes marges de manœuvre budgétaires" expliquent-ils dans leur rapport annuel sur la situation financière des collectivités territoriales. Une manière diplomatique de dénoncer nombre d'avantages en tout genre qu'elles accordent à leurs agents territoriaux. Qu'il s'agisse de prime ou de jours de congés, ceux-ci s'avèrent au final coûteux et pas toujours justifiés, ni en terme de gestion des deniers publics ni au regard d'une gestion efficace des ressources humaines.

  •  Un temps de travail rarement conforme à la durée réglementaire. La Cour des comptes épingle une durée annuelle de travail "rarement conforme à la réglementation". En l'absence de statistiques nationales sur la durée de travail dans la fonction publique territoriale, l’institution s’est appuyée sur l'analyse de 103 collectivités. Ainsi, la durée théorique de travail des agents dans ces collectivités contrôlées était en moyenne de 1.562 heures par an, alors que la durée annuelle de travail est initialement fixée à 1 607 heures par an dans la fonction publique. Dans seulement 20% de ces collectivités, cette durée était alignée sur la durée réglementaire. Cet état de fait provient de la possibilité pour les collectivités de maintenir des régimes de travail inférieurs à la durée réglementaire (pour celles ayant adopté un régime de travail avant 2001). Pour mettre fin à ces régimes dérogatoires, la Cour des comptes préconise d’abroger cette disposition. La Cour relève toutefois, qu'en partie sous la pression d’une contrainte budgétaire accrue depuis 2014, "des collectivités territoriales ont modifié leur organisation du temps de travail pour l’aligner sur la durée règlementaire". Elle cite le cas des villes d'Argenteuil ou du département de l'Aisne.
  • Des congés à rallonge souvent accordés de manière discrétionnaire. En liaison avec le problème précédent du temps de travail inférieur à la règle, le rapport dénonce "des congés octroyés de manière discrétionnaire par le président de l’exécutif local, en sus de la règlementation, à l’occasion de ponts ou de fêtes locales". Les chambres régionales de la Cour des comptes ont relevé que le nombre de jours de congés des agents de la fonction publique territoriale dépasse également la norme réglementaire, à savoir 25 jours. Pour citer quelques communes contrôlées par la Cour, les agents de Vannes (Morbihan) ont droit à 33 jours de congés et ceux d’Alès à 32 jours. À Narbonne, 9 jours supplémentaires, liés aux coutumes locales (notamment mardi gras, mercredi des cendres, mi-carême et la fête de la commune), sont offerts aux agents! Dans les services du département des Deux-Sèvres, les agents avaient droit à une semaine d’absence exceptionnelle, appelée "semaine du président", que le nouvel exécutif départemental élu en 2015, a supprimé. Ceux du département du Nord disposaient en plus de 4,5 jours liés aux fêtes locales. D'un point de vue budgétaire, ces jours de congés à rallonge "amputent le potentiel disponible pour assurer les services publics locaux. Elles renchérissent le coût unitaire de l’heure ou du jour travaillé" souligne le rapport. La Cour des comptes suggère leur suppression pour améliorer la qualité des services offerts les jours concernés.
  • Des primes nombreuses et variées, rarement liées au mérite. Les primes et indemnités ont représenté la part la plus dynamique des dépenses liées aux rémunérations dans les collectivités. Le régime indemnitaire des collectivités territoriales et de leurs groupements atteignait en 2015 un montant de 5,54 milliards d'euros, en augmentation de 14,3 % depuis 2011. Ce n'est pas tant leur principe qui est reproché par les magistrats que leur faible modulation "en fonction de la valeur professionnelle des agents". Autrement dit, ces primes et indemnités sont accordées sans distinction à tout le monde dans nombre de collectivités. Dans les villes de Carcassonne, Châteaudun ou dans le département du Lot-et-Garonne, "l’attribution des primes est opérée, pour l’essentiel, de façon égalitaire au regard des fonctions exercées, du grade et des contraintes éventuelles, nonobstant la valeur professionnelle des agents, la qualité de leur travail et leur manière de servir" relève le rapport. En outre, dans de nombreuses collectivités, des primes sont versées sans qu’aucun texte législatif ne le prévoie. Elles ont des appellations diverses, "prime de fin d’année", "prime annuelle", "prime d’activité", ou "prime départementale". Dans la métropole de Lille, la prime annuelle forfaitaire distribuée aux agents atteint 2,8 millions d'euros par an. S'y ajoutent d’autres avantages, d’un montant de 3,2 millions par an, comme l’allocation pour enfants à charge, l’indemnité de départ à la retraite, la prime aux agents seuls chefs de famille et l’indemnité pour enfants étudiants. La communauté de communes du Grand Cognac a même attribué, entre 2008 et 2010, des "primes de présentéisme" et versait encore une "prime de février" en 2013...
Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco