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Les entreprises se servant du crédit d'impôt recherche sont moins nombreuses qu'avant

Le repli est particulièrement marqué dans les PME, selon le dernier observatoire de ABGI Group, qui s'inquiète des possibles limitations des dispositifs, alors que de nombreux pays européens accélèrent.

Coup de mou dans le financement de l'innovation chez les entreprises françaises? Selon le dernier observatoire d'ABGI Group à paraître jeudi, en 2016, pour la première fois depuis cinq ans, le nombre de déclarants au crédit d'impôt recherche (CIR) a baissé. Précisons que l'étude concerne l'année 2016 car les entreprises ont jusqu'à 3 ans pour déclarer au fisc les sommes investies.

Pour rappel, le CIR est une réduction d’impôt calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises. Il est déductible de l’impôt sur les sociétés dû par les entreprises au titre de l’année où les dépenses ont été engagées. Il a subi une réforme en 2008 qui a permis de doper les montants globaux (4,45 milliards d'euros contre 1,8 milliard en 2007) et le nombre d'entreprises concernées.

Concrètement, la baisse globale des entreprises déclarantes atteint 1% après +20% sur les 5 dernières années avec 25.335 concernées par ce dispositif (ainsi que par le CII et le CIC, voir plus bas). Ce recul est encore plus marqué pour les PME avec une baisse moyenne de 5% représentant un millier de déclarants. Pour le seul CIR, il y a 20.789 déclarants en 2016, un chiffre en baisse de 3,7% par rapport à 2015.

Pourquoi ce repli. "Ce qu'on voit sur le terrain, c'est qu'il y a quand même des contrôles et c'est une très bonne chose, c'est normal compte tenu de l'enveloppe budgétaire qui reste constante. C'est important de contrôler, c'est important pour la pérennité du dispositif et sa sanctuarisation. Ces contrôles là, pour les PME, peuvent les pousser à avoir de mauvaises expériences. Quand on est mal accompagné, qu'on a fait seul, on peut avoir passé du temps à le défendre et du coup à reconstruire son dossier, à réécrire ses projets de R&D etc. Je pense qu'il y a une perte peut-être de certains déclarants, PME en particulier, de ce fait là", explique sur BFM Business Olivier Robert, direction des opérations à l'international chez ABGI Group.

La complexité des dispositifs renforce cette tendance, ajoute l'expert. "C'est relativement compliqué car on a quand même affaire à des experts du ministère de la recherche qui sont des experts R&D donc il faut avoir un contenu très académique (...) il faut expliquer que c'est de la R&D au sens du ministère de la recherche", poursuit-il.

Un coût budgétaire qui continue de grimper

Quant au montant de la créance restituée, il est stable à 6,1 milliards d'euros, selon les calculs d'ABGI Group. Le CIR aurait-il atteint un plafond? Si on se réfère à une annexe du projet de loi de finances (PLF) 2020, le CIR a pesé encore 6,2 milliards d'euros en 2018 pour 21.087 entreprises bénéficiaires. A titre de comparaison, selon une annexe du PLF 2018, le CIR pesait 5,55 milliards d'euros en 2016 pour 22.194 entreprises. Il y a donc bien moins de déclarants mais avec des montants globalement en hausse. Pour 2019 comme pour 2020, le coût budgétaire de cette niche fiscale devrait d'ailleurs encore gonfler pour atteindre 6,5 milliards d'euros, selon les prévisions de Bercy.

Depuis l’entrée en vigueur du dispositif du CIR, chaque euro investi en incitatif à la R&D a permis de créer 1,74 euro d’investissement complémentaire, avance par ailleurs le cabinet.

Dans le même temps, le nombre de déclarants au crédit impôt innovation (CII) progresse de près de 20% en un an à 3.603 mais les volumes engagés sont bien moindres que le CIR: 185 millions d’euros, soit une augmentation de 31% par rapport à 2014. "Cette évolution positive démontre la pertinence et l’utilité de cet outil de financement à destination des PME" commente le spécialiste du management et du financement de l’Innovation.

Il est même possible d'utiliser les deux dispositifs. Mais "les démarches restent néanmoins contraignantes et la diminution constatée en nombre de déclarants au couplage du CIR et du CII (-37% sur un an) illustre certainement la difficulté pour les petites entreprises à mobiliser concomitamment plusieurs dispositifs fiscaux", commente Christophe Fillon, directeur des opérations chez ABGI.

L'industrie manufacturière est le premier consommateur du CIR

En additionnant les deux crédits d'impôts (ainsi que le très marginal crédit d'impôt collection), le total des créances se hissait en 2016 à 6,34 milliards d'euros contre 6,30 un an plus tôt.

L'industrie manufacturière reste le premier secteur consommateur du CIR, à 59,5% en 2016, repartant de l'avant après plusieurs années de baisse. En 2007, elle représentait 65,1% des créances. Le secteur des services poursuit sa montée en puissance passant de 29,9% du total en 2007 à 38,1% en 2016.

Reste que le cabinet s'inquiète des évolutions de ces deux dispositifs. "Les débats parlementaires sur la loi de Finances 2020 ont introduit une possible limitation dans le temps du crédit d’impôt innovation", souligne le responsable ou encore un rabotage du CIR. "Globalement, toutes les entreprises pour des niveaux de dépenses similaires en R&D vont perdre 5% à partir de 2020 donc c'est non négligeable. Sans compter la hausse des critères d'éligibilité", explique Olivier Robert. 

Alors que dans le même temps, certains pays européens accélèrent.

"Alors que la plupart des pays renforcent ou créent des dispositifs incitatifs à la R&D (...) la France se distingue, en envisageant des dispositions inverses. Deux pays, réputés pour leur engagement et efficacité en termes de politique de R&D, amorcent une marche en avant significative. L’Allemagne met en place dès 2020 un dispositif permettant de bénéficier d’une aide de 25% des investissements de R&D (jusqu’à un plafond de 2 millions d’euros par entreprise). La Suisse met également en place un système de super déduction permettant à de nombreux cantons d’offrir une aide fiscale pouvant atteindre plus de 10% des investissements R&D réalisés", poursuit Christophe Fillon.

Olivier Chicheportiche