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Finances publiques

Les mauvaises affaires de l'État actionnaire

En un an, près de 10 milliards d'euros sont partis en fumée

En un an, près de 10 milliards d'euros sont partis en fumée - Bertrand Guay - AFP

Sur un an, le portefeuille d'actions cotées détenues par l'État a plongé de 20%, soit trois fois plus que le CAC40. Les lourdes participations dans le secteur énergétique plombent le chiffre global.

Les beaux jours semblent désormais bel et bien révolus pour l'État actionnaire. Mercredi 26 octobre, l'Agence des participations de l'État (APE), la structure à travers laquelle l'État gère ses placements dans les sociétés, a annoncé qu'en 2015, 3,9 milliards d'euros de dividendes avaient été reversés.

Il s'agit tout simplement du montant le plus faible depuis l'arrivée de François Hollande. En 2014, le chiffre était ainsi de 4,1 milliards, après 4,4 milliards en 2013 et 4,6 milliards en 2012.

Mais ce n'est pas tout. Le portefeuille d'actions cotées de l'État s'est, par ailleurs, fortement déprécié. Depuis le début de l'année, l'ensemble de ses participations a ainsi chuté de 14,20% (à la clôture du 25 octobre dernier), alors que le CAC40 n'a, lui, reculé que de 2%. Virtuellement ce sont un peu plus de 10 milliards d'euros qui sont partis en fumée depuis le début de l'année. L'écart est encore plus frappant sur un an: le CAC40 a perdu 6,3% et les participations de l'État…20%. Et sur l'ensemble de l'année dernière, le portefeuille de l'APE avait perdu 13%, alors que le CAC affichait une hausse de 8,5%.

L'énergie, un secteur malmené

Ce sont avant tout ses participations dans le secteur énergétique qui font "perdre" de l'argent à l'État. Notamment et surtout EDF, dans lequel il détient toujours 85% du capital, et une participation valorisée à 17 milliards d'euros. Sur un an, l'électricien a dégringolé de 42%! Une descente aux enfers dont le point d'orgue symbolique reste la sortie du CAC40, le 21 décembre dernier. Areva et Engie (ex-GDF Suez) ont aussi lourdement chuté (-23 et -16% respectivement).

"Le dossier de l'EPR britannique à Hinkley Point a très nettement pénalisé l'ensemble du secteur énergétique. De plus, ces groupes souffrent aussi de la concurrence à l'international, les mastodontes français n'étant plus aussi compétitifs, notamment parce qu'ils n'ont pas su investir certains marchés comme l'Asie. Enfin les investisseurs internationaux considèrent que ces valeurs sont peu intéressantes du fait d'un trop fort interventionnisme", commente Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.

Gadins boursiers

Autre valeur qui chute fortement: Air France-KLM (-17%). "Pour Air France l'explication est simple: l'accumulation des nombreuses grèves a eu des conséquences dramatiques en termes de rentabilité et d'image. Ensuite, la stratégie sur le moyen-long courrier fait face à des regards circonspects de la part des investisseurs", poursuit Christopher Dembik. D'ailleurs Air France a entraîné dans son sillage Paris Aéroports (-19%).

Au final, à deux ou trois exceptions près (Thalès, Eramet, CNP) la très grande majorité des actions détenues par l'État ont connu un gadin boursier sur un an.

Reste que l'État n'est évidemment pas un investisseur comme les autres, et a vocation à rester à long terme dans le capital des entreprises. "Sur l'énergie ou l'aviation (ou la Défense, ndlr), l'État n'a clairement pas le choix car ce sont des secteurs extrêmement stratégiques où il doit avoir un droit de regard. Notamment pour éviter les transferts de technologie", explique Christopher Dembik.

Du long terme

À long terme, l'État actionnaire peut être davantage récompensé. En effet, quand on regard sur un horizon long (5 ans), le titre Airbus, qui a perdu 10% depuis le début de l'année, affiche une hausse impressionnante de 157%. Pour Thalès, le bond est encore plus spectaculaire (+224%).

Christopher Dembik estime néanmoins que l'État "manque de vision industrielle" et devrait aussi essayer d'investir sur d'autres secteurs pour chercher de la rentabilité. Il cite les biotechnologies, secteur où les titres varient fortement. "Les entreprises françaises sont néanmoins très compétitives. L'État devrait ainsi y investir car il est un des rares actionnaires à pouvoir prendre des risques et, finalement, à avoir le droit à l'erreur", estime-t-il.