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Les milliards du 1er janvier

Emmanuel Macron lors de ses voeux 2019 enregistrés à l'Elysée.

Emmanuel Macron lors de ses voeux 2019 enregistrés à l'Elysée. - BFMTV

Impossible de chiffrer sérieusement le coût des mesures pouvoir d’achat qui entrent en vigueur aujourd’hui

Pour le gouvernement c’est l’heure d’ouvrir les vannes budgétaires. En ce début d’année, l’ensemble des promesses d’Emmanuel Macron pour tenter de calmer la colère des « gilets jaunes » entrent en vigueur. Certaines immédiatement, d’autres avec un peu de retard. Et personne ne peut sérieusement en évaluer, ni le coût, ni la durée.

Application immédiate : les heures supplémentaires totalement exonérées de cotisations salariales et d'impôt sur le revenu jusqu'à 5.000 euros nets par an. Tous les salariés, y compris les fonctionnaires, pourront en bénéficier. Quel en est le coût ? Personne n’en sait rien. Bercy avance le chiffre de 2,4 milliards€, mais sous la présidence Sarkozy, l’exécution budgétaire prouve qu’il peut en fait dépasser les 4,5 milliards€. Le gouvernement a créé un plafond pour essayer de limiter la dépense et les effets d’aubaines, mais il aura du mal à contrôler cette niche fiscale que Christine Lagarde, en son temps, qualifiait de « galopante ».

L’autre sujet c’est de savoir comment en sortir pour la période 2020-2022. A priori il n’y a aucune limitation dans le temps. Pour l’instant, le seul en Europe à s’en être inquiété, c’est le président de la banque centrale allemande Jens Wiedmann qui redoute que l’on sorte « durablement des règles budgétaires européennes convenues d’un commun accord ». Personne enfin ne parle de l’impact sur le marché du travail, parce que là encore les études vont dans tous les sens. En supprimant la mesure Sarkozy, François Hollande avait cité le chiffre de 100.000 emplois détruits par cette mesure, sans jamais préciser sa source. En face, un rapport parlementaire UMP indiquait que le dispositif avait pu «en réduisant le coût total du travail, inciter structurellement les employeurs à embaucher des salariés supplémentaires».

Quel coût réel pour la prime d'activité ?

Deux autres gros morceaux sont à digérer pour les finances publiques, et là encore avec une grosse part d’inconnu. Pas pour la CSG. C’est la magie de cet impôt qui ne dit pas son nom. Prélèvement automatisé, on le disait même « indolore », avant de découvrir avec les retraités que ça n’était pas forcément le cas. La CSG va donc baisser pour 5 millions de retraités (3,8 millions de foyers). Leur taux de prélèvement passera de 8,3% à 6,6%. La mise en œuvre va prendre plusieurs mois (au plus tard jusqu’au premier juillet), le temps pour les caisses de retraite de s’adapter. Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple modification du taux de prélèvement, mais bien de la création d’une nouvelle tranche, en dessous de 2.000€ de pensions, « cela doit se faire sous le contrôle de la DGFIP (le fisc) et être testé pour éviter les bugs » précise le patron d’une caisse de retraite au Parisien. Les bénéficiaires seront remboursés rétroactivement. Le coût budgétaire de l’opération totale est d’1,5 milliards€.

C’est avec la prime d’activité que l’on risque d’avoir des surprises. Le gouvernement a budgété 2,5 milliards pour une augmentation mensuelle de 90 euros. La prime sera élargie de 3,8 à 5 millions de foyers éligibles. En théorie, car cette prime n’est pas versée de manière automatique, il faut en faire la demande auprès des CAF et constituer un dossier. Les CAF verseront cette prime revisitée à partir du 5 février, y compris aux nouveaux allocataires s'ils font une demande avant le 25 janvier. Mais combien de ces nouveaux allocataires savent aujourd’hui qu’ils sont concernés ? Combien de temps mettront-ils à se manifester ? Ces questions-là restent entières. Les derniers chiffres montrent qu’à peu près 30% des foyers qui ont droit à cette prime ne la réclament pas. Mais ce « taux de recours » est en train d’augmenter. Le paradoxe c’est d’ailleurs qu’il y a quelques mois à peine le gouvernement s’inquiétait de la hausse du coût du dispositif qui risquait d’atteindre les 6 milliards€. Gérald Darmanin n’excluait pas de remettre à plat le dispositif de calcul.

C’est donc dans un épais brouillard que démarre l’année budgétaire. Le gouvernement a travaillé dans l’urgence et les effets de bords peuvent être nombreux. Bercy estime que la marge de manœuvre budgétaire le permet. Une fois passée la transformation du CICE en baisses de charges, le déficit 2020 devait s’inscrire à 1,4%. Le gouvernement a même un temps laissé planer l’idée d’un « excédent » à la fin du quinquennat. On n’en est plus là. Entre mesure pouvoir d'achat et ralentissement de la croissance, et à défaut d'une réforme de la sphère publique, on sera sans doute plus proche des 2%. Mais comme le dit l’italien Matteo Salvini à ses électeurs : « il arrive un moment où les décimales après la virgule n’ont plus d’importance »