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Loi Pacte : les députés au chevet de notre épargne

Loi Pacte : examen du volet "financement de l'économie" par la Commission spéciale de l'Assemblée nationale.

Loi Pacte : examen du volet "financement de l'économie" par la Commission spéciale de l'Assemblée nationale. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Mieux router l'épargne des français vers le capital des entreprises. C'est un des objectifs de la loi Pacte. Les députés de la Commission spéciale se penchent aujourd'hui sur le chapitre 2 dédié au financement de l'économie. Les dispositifs prévus ne semblent pas à la hauteur des ambitions du gouvernement

Des produits d'épargne plus lisibles, plus attractifs, davantage tournés vers les entreprises, voilà l'ambition de cette loi Pacte, résumée en un chiffre par Bruno Le Maire: réorienter 5 milliards d'euros d'épargne des français vers les fonds propres des entreprises. 

Le PEA-PME renforcé 

Le PEA PME permet d'investir sur les titres d’entreprises de moins de 5000 salariés, et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 1.5 milliard d’euros. L’intérêt du produit : les dividendes ou plus-values sont exonérés d’impôt sur le revenu au bout de 5 ans de détention. Mais les encours du PEA-PME s’élèvent seulement à 1.1 milliard d’euros, contre 92 milliards pour les PEA investis sur les grandes entreprises. L’idée, c’est d’élargir le PEA-PME aux titres émis dans le cadre de financement participatif (crowdfunding). L'objectif est de booster cette pratique très en vogue au Royaume Uni (4.3 milliards d’euros). En France, le financement participatif représentait seulement 319 millions d’euros en 2017, mais les fonds collectés sont en forte hausse. Reste qu'on sera très loin de montants significatifs avant sans doute de très nombreuses années 

Le fond Eurocroissance à peine modifié

Le fond Eurocroissance aurait pu être un véhicule puissant pour réorienter l'épargne des français, en tout cas c'était l'objectif de départ du gouvernement. A l'arrivée la révolution n'a pas eu lieu. Pas question d'abandonner la garantie de capital qui reste au coeur des dispositifs d'assurance-vie. C'est cette règle qui fait qu'aujourd'hui ce produit affiche un rendement à peine supérieur à celui des fonds en Euro investis dans les obligations et les dettes d'Etat. Dans ces conditions, l'encours reste limité à 2.3 milliards d’euros, une goutte d’eau à côté des 1700 milliards de l’assurance-vie. La loi Pacte est censée rendre ce produit plus lisible, grâce notamment à l’affichage d’un rendement unifié pour tous les épargnants. Une modification de détail qui reste très loin de la création d'un véritable nouveau produit dynamique.

Des produits d’épargne-retraite simplifiés

Le gouvernement met enfin en avant les nouveaux dispositifs d'épargne retraite : 220 milliards d'encours mais sur des produits trop complexes, avec des conditions de sortie trop rigides (les épargnants n’ont souvent pas d’autres choix qu’une sortie en rente viagère). L'idée est donc de simplifier les règles. Par exemple, permettre aux épargnants de conserver plus facilement un unique produit pendant leur parcours professionnel. La sortie en capital sera alors facilitée au moment de leur départ à la retraite. Faciliter aussi la portabilité d’un produit à un autre: par exemple le transfert sera gratuit, à condition que le produit soit détenu au moins 5 ans. L’ensemble des produits d’épargne-retraite complémentaires seront aussi désormais déductibles de l’impôt sur le revenu (plafonné à 10% des revenus). Mais si l'on comprend bien l'objectif du gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites en préparation (une manière discrète de développer la capitalisation), on voit mal comment cette épargne, ultra sécurisée par définition, ira irriguer les fonds propres des entreprises.

Constat d'échec ? 

Il est évidemment trop tôt pour parler d'un constat d'échec sur cette question, mais on voit mal ce que la discussion parlementaire pourrait modifier. Bruno Le Maire sait que ces lignes là sont très difficiles à faire bouger. Il était directeur de cabinet du Premier ministre - Dominique de Villepin - qui avait en son temps tenté le même "big bang de l'épargne", c'était en 2006, rien n'a fondamentalement changé depuis.

Mathieu JOLIVET