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Modernisation de l'industrie : un chantier qui prend du retard

Malgré une croissance annuelle à deux chiffres des ventes de robots depuis 3 ans, la numérisation des usines semble connaître un coup de frein ces derniers mois.

Malgré une croissance annuelle à deux chiffres des ventes de robots depuis 3 ans, la numérisation des usines semble connaître un coup de frein ces derniers mois. - KAZUHIRO NOGI / AFP

Le Premier Ministre Edouard Philippe présente ce jeudi les futures orientations de la politique de soutien à la numérisation de l'industrie. Un chantier bien entamé depuis trois ans, mais qui semble affronter des vents contraires ces derniers mois. Les chefs d'entreprises comptent sur de nouveaux engagements concrets pour stimuler l'investissement.

Un véritable appel d'air puis... un net coup de froid désormais. C'est ainsi que la plupart des patrons de l'industrie française décrivent la conjoncture économique actuelle. Un environnement qui n'est pas de nature à les inciter à investir massivement dans la modernisation de l'appareil de production.

Certes, il y a quelques signes probants que les lignes ont bougé depuis 3 ans et les premières mesures en faveur de « L'Industrie du Futur » qu'avait initiées Emmanuel Macron, à l'époque Ministre de l'Economie. Flexibilité, suramortissement, la bouffée d'oxygène a eu un effet tout à fait concret dans un premier temps, pour soulager l'industrie et amener plus de compétitivité.

Forte croissance des ventes de robots

« Les entreprises là-dessus ont pris un véritable tournant, c'est incontestable », remarque Bruno Grandjean, patron de la Fédération des Industries Mécaniques, et de l'Alliance Industrie du Futur. « Les ventes de robots industriels notamment, ont fait un bond en avant, signant une croissance annuelle à deux chiffres depuis trois ans, pour culminer à +40% depuis le début de l'année ».

Selon une étude PwC, environ 10% des entreprises françaises sont à la pointe de la numérisation, ce qui correspond peu ou prou à la moyenne mondiale. La France qui en ce domaine surpasse largement la moyenne européenne (5%), mais on est encore sous les taux qu'atteignent les entreprises asiatiques (19%) et américaines (11%). Une transformation qui est pourtant créatrice de valeur, puisque la même étude chiffre à 15,4% les économies possibles et à 10% l'effet positif sur les bénéfices à horizon cinq ans.

Risque de plafonnement de la croissance

Mais pourquoi une telle frilosité de la part des chefs d'entreprises? « Ce n'est pas après un ou deux bons exercices annuels qu'on peut se lancer dans des investissements aussi considérables », dit l'un des porte-paroles de l'industrie. « La numérisation de l'industrie, c'est un enjeu majeur, ce que les décideurs ont du mal à comprendre. Et tout d'abord parce qu'on a accumulé 15 ans de retard à lutter pour améliorer notre rentabilité » dit-il. 

« La réforme du Code du Travail, les dernières mesures en faveur de la compétitivité n'ont fait que nous remettre à niveau face à nos concurrents, notamment allemands. Mais pour investir et se moderniser de manière décisive, il faut un horizon à plus long terme, et pour l'instant je vois surtout une croissance qui va plafonner cette année » ajoute-t-il.

Rénover aussi la fiscalité et la formation

La clé encore une fois est sans doute à chercher du côté de la fiscalité. « Notre système fiscal est encore loin d'être adapté à la réalité des cycles économiques actuels », estime Bruno Grandjean. « Le retour sur investissement en moyenne dans nos industries se compte sur cinq ou dix ans » poursuit-il. « Les effets de la fiscalité, eux sont immédiats. Le Crédit Impôt Recherche nous a permis d'avoir des marges de manoeuvre en progrès, notamment pour soutenir la recherche et le développement. Mais pour investir des sommes souvent lourdes pour la production, ça reste compliqué. »

Bruno Grandjean estime donc que la fiscalité est le paramètre clé. Mais c'est tout une culture et une appréhension de ce que sont l'usine, l'outil et l'industrie qui doit changer. « On a passé une quinzaine d'années à nous faire croire que l'idéal était un pays sans usines » dit-il. « Il faut désormais mettre l'accent sur la formation, au sein d'un appareil industriel appelé à devenir plus high-tech, plus séduisant, et redonner ses lettres de noblesse à l'industrie. Une montée en gamme de notre industrie et des produits qu'elle fabrique passe avant tout par une montée en gamme des process eux-mêmes ».

Antoine Larigaudrie