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Finances publiques

Notre-Dame : il est temps que l’Etat passe la main

La rosace du transept sud de la cathédrale de Notre-Dame, en 2011

La rosace du transept sud de la cathédrale de Notre-Dame, en 2011 - Only France - Henri Tabarant

Perclus de dettes, l'Etat n'a plus les moyens de financer les restaurations du patrimoine. Il doit se résoudre à laisser agir le privé, affirme Jean-Marc Daniel.

L’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre Dame a provoqué, à juste titre, une forte émotion. Rares sont ceux, en France et à l’étranger, qui n’ont pas été consternés, si bien que l’appel aux dons pour financer la restauration de cet édifice majeur rencontre un écho mondial. En France, rapidement, deux des hommes les plus riches du pays ont annoncé, l’un un versement de 100 millions d’euros, l’autre, dans la foulée, un versement de 200 millions. Ainsi donc, les autorités disposaient alors d’un budget d’au moins 300 millions pour assurer la reconstruction de Notre Dame, avant que d'autres mécènes ne se déclarent par la suite.

Et il faut à cela évidemment ajouter ce que l’Etat, responsable de la politique de sauvegarde du patrimoine, va débloquer comme crédits. Or là, on risque de déchanter. Les moyens du ministère de la culture pour l’entretien et la restauration des monuments historiques se montent en effet à 340 millions, c’est à dire guère plus que ce que les deux premiers mécènes sont prêts à mobiliser pour la seule cathédrale de Paris.

Profiter de la renommée du patrimoine

On ne peut qu’être surpris par la modestie de ce budget, eu égard aux besoins liés à la richesse historique de la France et à l’attachement manifeste des Français à cette richesse (en septembre 2018, les journées du patrimoine ont suscité 12 millions de visites de monuments). Cette modestie est telle que l’enjeu à long terme de la sauvegarde du patrimoine se construira sur le mécénat, un mécénat qui plus est international quand on connaît la renommée de Versailles et des châteaux de la Loire, de nos églises et de nos centres villes.

En fait, il est temps en ce domaine, comme dans tant d’autres, que l’Etat passe la main, se contentant de vérifier la qualité et le niveau de connaissance des acteurs, que ce soient les architectes ou les entreprises menant les chantiers. Ernest Lavisse, l’auteur du manuel d’histoire de référence de la IIIe République, écrivait pour les écoliers : « Tu dois aimer la France, parce que la Nature l'a faite belle, et parce que l'Histoire l'a faite grande ». Préserver cette beauté et cette grandeur devrait être un impératif catégorique de notre politique. Mais pour y parvenir, l’Etat, perclus de dette, devra se résoudre à laisser agir le privé tout en l’encadrant par des exigences de qualité et des incitations fiscales.