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Nouvelles armes contre la fraude fiscale

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Illustration - AFP

Dans un calendrier parlementaire très chargé, le gouvernement a décidé d’accélérer contre la fraude fiscale. L’assemblée examine à partir de lundi une loi qui lui donne de nouvelles armes

La régularisation des évadés fiscaux est une « matière première » qui sauve les budgets depuis l’élection de François Hollande, mais dans son dernier rapport annuel d’activité, la direction générale des finances publiques a dû admettre que la ressource commençait à se tarir : sur l’ensemble de l’année 2017 les redressements fiscaux notifiés ont atteint 17,9 milliards€ (repli de 3,3 milliards par rapport à 2015), et les sommes réellement encaissés 9,4 milliards€ contre 12,2 milliards€ en 2015. Bercy a d’ailleurs pris acte de cette baisse d’activité en fermant au début de l’année la « cellule de dégrisement », le service en charge de régulariser les évadés fiscaux qui se présentaient spontanément après la « découverte » d’un compte caché à l’étranger et pouvaient négocier un allègement de leurs pénalités.

La volonté est donc de prendre un nouveau départ et de se doter de nouvelles armes : police fiscale, name and shame, accélération du "data mining"

Création d’une police fiscale

Bercy va s’appuyer sur un service d’enquêteurs chevronnés déjà sous son autorité : les douanes. 250 enquêteurs du Service Nationale des Douanes Judicaires (SNDJ) et 50 agents affectés à ce nouveau service judicaire fiscal formés aux techniques d’enquêtes, vont pouvoir mener leurs investigations de manière totalement autonomes et utiliser des pouvoirs de police (filatures, écoutes, garde à vue etc…) sous le contrôle d’un magistrat spécialisé. Le gouvernement a privilégié la coopération avec les douanes pour éviter le développement d’une guerre des polices. Rien n’indique d’ailleurs qu’elle n’aura pas lieu étant donné les semaines de négociations nécessaires avec le ministère de l’intérieur. D’ailleurs la Brigade de police en charge des fraudes complexes avec liens vers la drogue, le terrorisme ou le blanchiment (BNRDF) gardera ses prérogatives, la police fiscale se contentant des dossiers de fraude simple.

Mais la question pénale la plus complexe en séance pour le gouvernement portera sur ce que l’on appelle le « verrou de Bercy » : au nom du respect du secret fiscal, la DGFIP peut seule porter plainte pour fraude. Les députés LREM en ont fait un symbole et veulent que ce verrou saute.

« Name and shame »

Dénoncer publiquement les fraudeurs. Là encore Bercy a une certaine expérience puisque la technique a été mise en place avec succès pour les délais de paiement. Il a suffi de deux listes de quelques noms de grandes entreprises pour tout à coup modifier les relations entre les PME et leurs grands donneurs d’ordre (même si le chemin est encore très long à parcourir). C’est l’autorité judiciaire qui gardera le contrôle de la procédure, mais la publication du nom des fraudeurs dans les journaux ou sur internet sera automatique en cas de condamnation pénale. Bercy évoque un potentiel de « plusieurs centaines de publications par an », « il faut que les français sachent qui cherche à s’exonérer des obligations fiscales légitimes » a justifié Edouard Philippe (à noter que les cabinets d’avocats et société de conseils qui auront permis des montages illégaux seront eux aussi bien plus lourdement sanctionnés).

Un dispositif de « plaider coupable », à l’américaine, permettra d’éviter le procès en échange d’une amende, mais visiblement pas la publication de son nom. 

Digitalisation

Enfin la lutte contre la fraude fiscale va se mettre à l’heure du « data mining ». Recouper les données de manières automatique et vérifier les incohérences est particulièrement efficace en matière fiscale, notamment dans les échanges entre administrations et les services de Bercy ont aujourd’hui des outils particulièrement performants. Depuis 3 ans l’outil dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » permet de traiter de manière automatisée tant les données personnelles que les données professionnelles. Depuis novembre 2017 tous les contribuables sont potentiellement concernés, la CNIL ayant juste demandé à Bercy de faire un « usage raisonnable » de sa suite logicielle, « et de le réserver aux dossiers les plus lourds ». D'après Bercy, une quinzaine de millions d'euros seront mobilisés pour développer l'équipement de l'administration. L'objectif est que le "data mining" soit à l'origine de la moitié des contrôles fiscaux à l'horizon 2021.

Le texte de loi va aussi clarifier l'amendement voté en décembre 2016 par le Parlement, qui impose aux plateformes en ligne du type Airbnb de transmettre automatiquement à l'administration fiscale les revenus générés pour leurs utilisateurs. Les plateformes concernées seront précisées, ainsi que les informations à transmettre. Pour que plus personne ne passe entre les mailles du filet numérique

La REDACTION