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Finances publiques

Opération Matignon-bis: vers une nouvelle gabegie publique?

Le futur Centre Fontenoy doit devenir une sorte de Matignon-bis

Le futur Centre Fontenoy doit devenir une sorte de Matignon-bis - -

Après les déboires du logiciel Louvois, le regroupement d'une partie des services du Premier ministre près des Invalides semble mal engagé. Montage juridique douteux, évaluation financière aléatoire, retard dans les travaux: des parlementaires s'inquiètent d'une possible dérive des coûts.

Projet mal engagé, mal préparé, mal financé... On ne parle pas ici des ratages du logiciel de paie des militaires Louvois que le gouvernement vient d'abandonner la semaine dernière après 500 millions d'euros dépensés. Mais du projet de "Matignon-bis", un centre qui regroupera en 2017 une partie des services du Premier ministre, place de Fontenoy, en face des Invalides à Paris.

Le projet devrait coûter près de 500 millions d'euros à l'Etat. Autant que le logiciel Louvois. Espérons que l'affaire ne se termine pas de la même manière...

L'idée initiale était pourtant séduisante. En 2011, pour des raisons d'économie et de rationalisation du travail ministériel, le gouvernement Fillon décide de regrouper en un même lieu une partie des services dépendant de Matignon, actuellement installés sur 38 sites dans Paris, comme le Centre d'analyse stratégique, le service d'information du gouvernement (SIG) ou encore le secrétariat général à la Mer.

Certaines autorités administratives indépendantes comme le Défenseur des droits, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) ou encore la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) hebergés dans des locaux loués très cher, doivent les rejoindre. Au total, près de 3.000 personnes seraient concernées.

Les services de Matignon sont dispersés sur 38 implantations

Pour regrouper tout ce petit monde, le choix du gouvernement se porte sur un grand bâtiment de 7 étages et de 55.475 m2 situé place de Fontenoy, dans le 7eme arrondissement de Paris et occupé précédemment par différentes administrations qui ont émigré vers la banlieue. L'opération initiée sous la droite a ensuite été validée par le gouvernement Ayrault fin 2012.

Le bâtiment est estimé par le cabinet Jones Lang Lasale à 200 millions d'euros et par les Domaines à 300 millions. Il doit également faire l'objet de sérieux travaux pour accueillir les fonctionnaires. Ceux-ci sont estimés à près de 230 millions. Il est vrai qu'en contrepartie, la vente de certains locaux occupés par Matignon pourrait rapporter 160 millions à l'Etat.

Dans un rapport budgétaire consacré en octobre dernier aux crédits du Premier ministre, la députée UMP Marie-Christine Dalloz émet des sérieux doutes sur la gestion de l'opération. "La conduite du projet me laisse perplexe. A en croire les éléments d'information officiels, tout irait bien (..) Cependant, selon un intéressant rapport du sénateur de Paris Philippe Dominati, le projet semble connaître certaines difficultés", écrit-elle.

Ce rapport publié en juillet dernier (voir ci-joint) pointe, en effet, de nombreuses incohérences qui pourraient transformer l'opération en un beau fiasco dans quelques années.

"Il est difficile de connaître la véritable estimation du coût de l'opération", note le sénateur UMP de Paris. Fâcheux tout de même. L'Etat, n'ayant pas les moyens de financer l'opération, a choisi de recourir à un partenariat public-privé mais avec un organisme, la Sovafim dont le seul actionnaire est...l'Etat. Dans un rapport de 2011, la Cour des comptes recommandait pourtant "de mettre un terme à l'existance de cette société inutile".

La Sovafim a cependant obtenu "les droits de superficie" pour 13 ans en contrepartie d'un loyer de 21 millions par an versé par l'Etat. Certains experts estiment que ce montage entraînera un surcoût de 30% par rapport à une simple maîtrise d'ouvrage publique !

Autre incertitude: les éventuels recours contentieux qui pourraient être déposés contre l'opération. De quoi la retarder encore un peu plus et alourdir son coût. Pour l'heure, le projet a déjà un an et demi de retard sur le calendrier initial alors qu'aucun coup de pioche n'a encore été donné.

Patrick Coquidé