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Pascal Pavageau : la lettre qui accuse

"J'ai résisté tant que j'ai pu, j'ai revendiqué chaque jour de ma vie, je n'ai pas su reconquérir", a écrit Pascal Pavageau dans un courrier adressé aux responsables de FO.

"J'ai résisté tant que j'ai pu, j'ai revendiqué chaque jour de ma vie, je n'ai pas su reconquérir", a écrit Pascal Pavageau dans un courrier adressé aux responsables de FO. - Geoffroy Van Der Hasselt - AFP

Le secrétaire général de Force Ouvrière a annoncé sa démission alors que se tenait aujourd'hui une réunion cruciale en interne qui devait statuer sur son sort. Un départ dont il s'explique dans une longue lettre adressée aux dirigeants de FO avec lesquels il règle ses comptes.

Moins de 6 mois après son arrivée à la tête de FO, Pascal Pavageau a préféré partir, plutôt que d'être destitué alors que son sort semblait scellé : « Au moins 30 des 35 membres de la commission exécutive s'apprêtaient à voter ce matin en faveur de la convocation du Parlement du syndicat fin octobre, en vue de le destituer », nous dit un haut responsable en interne.

Le leader de FO s'explique sur ce départ dans une longue lettre adressée à tous les membres du Comité confédéral national (CCN), le « Parlement » de l'organisation, ainsi qu'aux adhérents du troisième syndicat français.
Dans ce courrier, le responsable adresse certes ses excuses : « Pour l’ensemble de ces documents et ces erreurs de fonctionnement qui ternissent l’image de notre Organisation ainsi que mes actions, je vous présente sincèrement mes excuses ».

Un réquisitoire accablant contre l'Organisation

Mais il règle aussi ses comptes en dressant un véritable réquisitoire contre ses « camarades ». Un réquisitoire contre des chefs de clans « Comment est-il acceptable que des personnes qui se comptent sur les doigts d’une main aillent jusqu’à transmettre les informations liées au projet que je portais et dont ils disposent depuis des années - et qu’ils ont eux-mêmes alimentées - tout ça parce que je me suis refusé de nourrir leurs ambitions personnelles ? »

« Désormais je ne comprends que trop bien. Tout ce petit monde ne cherche pas uniquement à ce que des têtes tombent, mais poussent aussi par leurs agissements intéressés à ce que notre Organisation cesse de bouger et que certains tiroirs ne soient jamais ouverts ».

« Mon militantisme est chevillé au corps, je ne suis pas de ceux qui acceptent la compromission et la mise sous tutelle pour s’assurer un poste, un chapeau à plume ou un portefeuille de missions. Si mes ambitions pour Force Ouvrière et mes méthodes en inquiètent plus d’un qui préfèrent s’assurer la sécurité d’un environnement où rien ne bouge et où les privilèges de quelques-uns au sein d’un syndicalisme daté perdurent, je ne suis pas votre homme ».

« J’ai résisté tant que j’ai pu, j’ai revendiqué chaque jour de ma vie, je n’ai pas su reconquérir », conclut-il dans ce courrier, qui sera dit-il son unique expression publique. Le leader de FO a décidé de tourner la page, tout comme son syndicat va devoir le faire.

Qui pour lui succéder ?

« Jamais Force Ouvrière n'a été confrontée à une telle crise », explique un responsable en interne. Tout le monde a été pris de cours par cette affaire, qui a éclaté il y a seulement 15 jours. Depuis, les autres dirigeants s'affairent pour remplacer Pascal Pavageau partout où il était attendu... alors que se profilent non seulement les élections de la fonction publique le 6 décembre prochain mais aussi deux réformes majeures : celle de l'assurance chômage et celle des retraites.

Deux réformes contre lesquelles Pascal Pavageau étaiet fermement opposé et avait opté pour une posture très ferme, beaucoup plus radicale à l'égard du gouvernement que Jean-Claude Mailly, son prédécesseur.

Un départ qui laisse le champ libre au gouvernement

Aucun successeur n'est encore officiellement déclaré mais quoi qu'il en soit nous dit un haut responsable de FO, « l'organisation, est aujourd'hui, plus que jamais, tiraillée entre deux camps : l'un très réformiste, l'autre beaucoup plus contestataire ». Et tout l’enjeu de Force ouvrière consiste aujourd’hui à trouver un homme de compromis, capable de réconcilier ces deux camps. En interne, on résume : il faut quelqu’un qui soit le moins clivant possible.

Alors certes, la ligne politique de Force ouvrière a été arrêtée lors du Congrès il y a quelques mois et ne va pas radicalement changer. Celui qui la portera en revanche pourrait en faire une interprétation beaucoup moins radicale, laissant le champ libre au gouvernement pour mener à bien ses réformes.

C’est en tous cas l’un des pires opposants aux réformes du gouvernement qui vient aujourd’hui de sortir du jeu.

Caroline MORISSEAU