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Placements : faut-il encore investir dans le non coté ?

Avec un rythme de levées de fonds que l’on n’avait plus connu depuis 10 ans, l’investissement dans les sociétés non cotées atteint aujourd’hui des sommets. De là à laisser planer la crainte d’une bulle sur ce segment ? Pas nécessairement...

Dès lors que l’on parle de « private equity » (de « sociétés non cotées »), les investisseurs affluent. Bien que risqué, le capital-investissement apparaît aux yeux de ces derniers tel un eldorado. Et ce, malgré les baisse des taux. En moyenne, les observateurs s’accordent sur le fait que le non coté rapporte aujourd’hui 10% par an. On comprend dès lors mieux pourquoi la prise de risques peut en valoir l’investissement. Sauf que cet essor marqué du « private equity » fait que les fonds qui en assurent la gestion disposent aujourd’hui d’un trop plein de réserves de cash à investir. C’est ce que l’on appelle la « dry powder ». Autrement dit : la « poudre sèche » en français.

En 10 ans, son montant a quasiment doublé pour atteindre, selon le cabinet Prequin, 1 452 milliards de dollars en 2019, contre 849 milliards en 2009. Le problème tient au fait que les sommes collectées doivent être investies dans un délai imparti, faute de quoi elles risquent, pointent certains experts, d’être remboursées à leurs propriétaires.

Avec d’un côté, une rentabilité qui laisse rêveur, de l’autre, un engouement et des risques relativement élevés, le capital-investissement revêt indéniablement deux visages. Ce que confirme, Ylan Cattan, fondateur et président du cabinet de conseils en investissements Profits and Benefits.

Aujourd’hui, les fonds spécialisés dans les sociétés non cotées lèvent des montants de plus en plus spectaculaires auprès des investisseurs. Comment expliquez-vous cette dynamique ?

Ylan Cattan : Cet engouement s’explique très simplement en réalité. Lorsque l’on observe le nombre de fonds rentrés sur le private equity ces dernières années, on se rend compte qu’il s’agit en grande partie de banques. Pourquoi ? Parce qu’elles disposent d’un accès au crédit très simple. Elles empruntent à zéro et investissent à des niveaux de rentabilité qu’elles définissent elles-mêmes. Pour elles, les entreprises non cotées se révèlent particulièrement rentables. Il y a là un flux massif de capitaux que l’on peut réinjecter dans l’économie réelle et donc dans le private equity.

De manière générale, les investisseurs privés investissent des tickets moyens qui oscillent entre 20 000 et 40 000 euros. Il ne s’agit pas de montants très élevés, mais lorsqu’ils s’ajoutent les uns aux autres, forcément, cela génère rapidement des montants conséquents.

A noter cependant que, du temps de l’ISF, les sommes issues de l’investissement effectué dans le non coté pouvaient être extraites du montant imposable. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec l’IFI.

Certains analystes estiment qu’il y a trop d’argent collecté par rapport au nombre de sociétés disponibles sur le marché, faisant, par conséquent, poindre le risque d’une bulle sur ce segment. Qu’en pensez-vous ?

C’est encore trop tôt pour le dire. Mais en tant que société de gestion, nous excluons cette possibilité. Aujourd’hui, les entreprises qui œuvrent sur Internet comme ManoMano (une sorte de « Uber-Amazon » du brico-jardin), ou Doctolib apportent de véritables services. Ce qui n’était pas le cas au début des années 2000. Dire qu’il risque d’y avoir une bulle lorsque l'on investit de manière massive dans ce type de sociétés, je ne le pense pas. Les montants importants qui sont aujourd’hui collectés sont soit issus de fonds classiques, soit issus de fonds qui eux-mêmes sont liés à l’engouement des investisseurs pour ce type d’entreprises non cotées. C’est nettement plus intéressant que de l’immobilier fixe par exemple. Et cela préserve, en prime, le tissu local d’entreprises. J’exclue donc sincèrement cette hypothèse de bulle dans le non coté.

Faut-il, selon vous, encore miser sur le private equity ? Quelle rentabilité peut-on escompter en 2019 ?

Ce qui est pertinent, c’est de voir le côté utile de l’investissement que constitue celui de miser sur le private equity. Investir dans le non coté permet de faire vivre des entreprises qui embauchent et qui disposent de perspectives de retour sur investissement intéressantes. Tout cela n’est pas forcément quantifiable en matière de rendements. En réalité, il n’y a pas de règles.

La seule certitude, c’est que le non coté donne du sens à l’investissement. Comme toujours, il convient de bien appréhender tous les événements conjoncturels politico-économiques qui peuvent impacter un investissement. Pour autant, miser sur le private equity permet aux investisseurs de se dire que leur argent va, à moyen terme, générer un effet de levier important.

Julie COHEN-HEURTON