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Pourquoi Hollande ne satisfait qu'à moitié les militaires

François Hollande a donné en partie satisfaction aux militaires lors du conseil de défense de ce 29 avril

François Hollande a donné en partie satisfaction aux militaires lors du conseil de défense de ce 29 avril - Gonzalo Fuentes-AFP

A l'issue d'un conseil de défense, ce 29 avril, le chef de l'Etat a annoncé une hausse des crédits militaires et une moindre baisse des effectifs. Mais l'effort est moins important qu'il n'y paraît.

"L'intendance suivra", avait coutume de lancer le général de Gaulle. Façon de dire qu'une fois les décisions prises par l'Elysée, le gouvernement n'avait qu'à se débrouiller pour les mettre en oeuvre.

Finalement, c'est un peu ce qu'a fait François Hollande ce matin. A l'issue d'un conseil de défense, le chef de l'Etat, qui est aussi chef des armées, a en effet décidé un renforcement des moyens militaires pour répondre à la nouvelle donne internationale et la menace terroriste.

Mais le président de la République n'est pas entré dans le détail pour dire comment l'Etat allait vraiment financer l'effort supplémentaire en cette période d'économies budgétaires. Et surtout, cet effort est finalement moins important qu'il n'y paraît. Explications. 

Budget 2015 "sanctuarisé" mais comment? 

François Hollande a d'abord annoncé que le budget 2015 de la défense était bien sanctuarisé à 31,4 milliards d'euros, comme le prévoit d'ailleurs la loi de programmation militaire votée en 2013 à son initiative. En fait, il avait déjà promis cette sanctuarisation en janvier après les attentats terroristes.

La nouveauté tient dans la manière dont ce budget 2015 va être sanctuarisé: "via des "crédits budgétaires sans aucun appel à des ressources extérieures", a dit le chef de l'Etat. En clair sans que l'armée ne soit obligée de louer certains de ses matériels via des "sociétés de projet" prévues dans le projet de loi Macron pour dégager de la trésorerie rapidement.

Contre l'avis de Michel Sapin, le ministre des Finances, et de nombreux politiques de droite comme de gauche qui trouvaient le procédé trop coûteux, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense, avait suggéré à son ami François Hollande de recourir au leasing.... en espérant secrètement ne pas y avoir recours. 

Le Drian a finalement obtenu satisfaction puisque Bercy devra trouver jusqu'en décembre des moyens budgétaires pour compenser les 2,2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles (liées à la vente de fréquences hertziennes) qui ne seront pas au rendez-vous cette année. Sauf que Bercy doit déjà dégager 1,2 milliard d'économies supplémentaires en 2015 auprès des différents ministères pour tenir les engagements de la France auprès de Bruxelles. 

Mais l'Elysée, Bercy, comme le ministère de la Défense misent sans le dire ouvertement sur deux sources d'économies pour arriver à cette "sanctuarisation". D'abord, la baisse du prix des carburants devrait faire économiser près de 200 millions d'euros aux armées. Ensuite, la vente de Rafale à l'Egypte va permettre à la défense de ne pas acheter à Dassault la totalité des 11 appareils qu'elle devait normalement acquérir en l'absence de commandes étrangères. Une économie de près d'un milliard ! 

L'Armée réclamait au moins 5 milliards, elle n'en aura que 3,8 

Pour faire face aux menaces extérieures mais aussi intérieures (près de 10.000 militaires sont actuellement mobilisés sur le territoire national dans le cadre de l'opération Sentinelle), François Hollande a annoncé que la suppression de 18.500 postes de militaires sur les 34.000 prévus dans la loi de programmation était annulée, dont 7.500 dès cette année. En fait, plus personne ne pensait que l'objectif de 34.000 suppressions d'emploi était encore tenable, la défense ayant été l'un des principaux ministères à réduire ses effectifs et externaliser des missions depuis 2006.

François Hollande a aussi promis 3,8 milliards d'euros supplémentaires pour la période 2016-2019 à l'occasion de l'actualisation de la loi de programmation qui interviendra avant l'été. C'est là que le bas blesse le plus. Les militaires avaient estimé (et sans doute surévalués volontairement) entre 5 et 9 milliards leurs besoins supplémentaires pour assumer l'ensemble des missions réclamées par l'exécutif.

L'Elysée a donc revu cette demande à la baisse. "C'est un effort important, c'est même un effort considérable", a estimé le chef de l'Etat ce matin. L'Elysée considère en fait que l'effort financier n'a pas à être plus élevé puisque les militaires vont encore faire des économies dans les années à venir sur les dépenses de carburants et la vente à l'export de Rafale, voire de frégates multi-missions (FREMM). 

Le problème, c'est que ces 3,8 milliards vont en partie être absorbés par les dépenses de personnels liés à la non-suppression des 18.500 postes de militaires. Finalement, les moyens financiers supplémentaires vont en partie servir à payer les soldes et non à abonder les crédits d'équipements comme l'espéraient les états-major. 

Patrick Coquidé